Jean-Marc Jancovici, faux ami de la transition écologique ?
Recension de la BD best-seller « le monde sans fin » et nouvelles enthousiasmantes en provenance des États-Unis.
Jancovici a initié de nombreuses personnes aux questions énergétiques et climatiques, brisant leurs illusions climatosceptiques ou technosolutionnistes. C’est en partie mon cas. J’ai découvert ses écrits à la fin de mon master, suivi avec intérêt ses conférences et écouté avec enthousiasme ses premiers plateaux TV. Jancovici est un bon communicant qui dit beaucoup de choses vraies, dans un style percutant.
Mais le polytechnicien présente de nombreuses limites. Du point de vue technique, son discours verse parfois dans la caricature voire la confusion. Et je ne parle pas du nucléaire, sujet qui divise les écologistes eux-mêmes, mais de pétrole, gaz et énergie renouvelables. Par exemple, il semble être largement passé à côté de la révolution des pétroles non conventionnels (« shale oil ») qui a permis de repousser le pic pétrolier bien après les limites d’extractions imposées par le climat (notre budget carbone, compatible avec une planète « habitable »).
Vis-à-vis de sa position sur les énergies renouvelables, une interprétation généreuse consisterait à estimer qu’il est resté bloqué aux années 2000-2010. Mais à lire certains passages de la BD, on en arrive à se demander s’il ne tombe pas parfois dans la manipulation et la mauvaise foi.
Quoi qu’il en soit, les aspects techniques de son discours restent moins problématiques que les questions politiques, économiques et sociales. Dans ces domaines, Jancovici parle avec un aplomb déconcertant, malgré son absence d’expertise et son manque presque comique de culture politique.
Après ma période « fan » de Jancovici, j’ai commencé à éprouver une grande fatigue à écouter ses interventions médiatiques où s’enchaînent les affirmations à l’emporte-pièce. La lecture de sa BD à succès « Le Monde sans fin » n’a fait que renforcer cette frustration.
Bien qu’un tel exercice est nécessairement périlleux, j’ai fini par produire une longue recension de son ouvrage. De nombreuses personnes ont accepté de relire ma critique, dont un polytechnicien, un expert en énergie solaire, mon rédacteur en chef au VSL et un vulgarisateur auteur d’un livre sur les questions énergétiques.
Vous pouvez lire le résultat de ce travail de longue haleine sur le site LVSL.fr :
Partie 1 : questions techniques : un vulgarisateur souvent pris en défaut
Partie 2 : économie, social et politique : Un monde sans rapport sociaux
Cela ne remet pas en cause l’apport passé de Jancovici, mais interroge quant à l’utilité de son discours, alors que la crise climatique nous place plus que jamais au pied du mur. N’hésitez pas à les partager aux lecteurs du Monde sans fin.
Bonnes nouvelles américaines
Je ne veux pas parler de la politique de l’administration Biden vis-à-vis du conflit israélo-palestinien, mais des victoires récentes du mouvement ouvrier.
Je l’évoquais dans ma newsletter précédente, le puissant syndicat de l’automobile UAW (United Automobile Workers of America) a déclenché une grève massive contre les trois plus gros constructeurs historiques des États-Unis, Ford, GM (marques Chevrolet, Buick, GMC, Pontiac, Cadillac, Opel…) et Stellantis (Chrysler, Jeep, Dodge, Rams, Peugeot…). Après six semaines d’un bras de fer très médiatisé, l’UAW a remporté suffisamment de concessions contre les 3 constructeurs (dont une augmentation de 25 % des salaires, mais c’est loin d’être le plus important) pour accepter de signer trois accords de principe (un par constructeur). Ces accords vont être soumis à référendum aux employés syndiqués dans chaque entreprise, avant d’être ratifiés. Ils vont mettre un coup d’arrêt à la transformation en cours de l’industrie automobile, qui espérait profiter de la révolution électrique pour délocaliser la production de ses nouveaux modèles dans des territoires sans protection syndicale.
La victoire est si significative que la branche américaine de Toyota est déjà en train d’expliquer à ses employés qu’ils obtiendront des augmentations de salaire pour coller aux concessions du “Big 3”. Or, aucun syndicat n’est implanté chez Toyota. Autrement dit, devant le succès de l’UAW, Toyota démine le terrain afin d’éviter l’implantation d’une antenne UAW chez lui !
Cette victoire significative de l’UAW pourrait faire boule de neige. Elle marque clairement un tournant dans l’histoire syndicale du pays. J’aurai l’occasion d’en parler à l’antenne du MédiaTV (canal 350 de la Freebox et disponible sur le Web), où je vais participer à une émission bimensuelle à partir de la semaine prochaine.
Quant à la situation au Moyen-Orient, la multiplication de manifestations et d’actions massives de désobéissance civile (le plus souvent à l’initiative d’organisations juives) pour demander un cessez-le-feu et l’arrêt du génocide en cours contre les Palestiniens laisse espérer un potentiel retournement de situation. Deux tiers des Américains, une majorité des républicains et quatre électeurs démocrates sur cinq sont favorables à un cessez-le-feu. Si seulement Washington était à l’écoute de ses citoyens…
Petite correction : Opel fait partie du groupe Stellantis et non plus GM.