La gauche française, plus bête du monde ?
Tentative de prise de recul et d'analyse sur l'implosion présumée de la gauche française (et ses perspectives).
Pour les Français proches de la gauche politique ou de sensibilité progressiste, les temps ne sont pas roses. La NUPES a implosé. Le Rassemblement National — parti créé par un SS et longtemps dirigé par un négationniste — est désormais présenté comme un rempart contre l’antisémitisme. Il peut défiler dans une manifestation aux côtés des autres partis de « l’arc républicain », dont se trouve de facto exclu le principal parti de gauche, à savoir La France Insoumise. Cette formation sociale-démocrate dirigée par un ancien ministre de Lionel Jospin est désormais qualifiée d’extrême gauche, islamiste, voire antisémite, ou faisant l’apologie du terrorisme, sans que les journalistes de plateaux ne tiquent. À l’inverse, qualifier le RN de parti d’extrême droite ferait débat.
Les milices néonazies organisent des ratonnades et manifestations dans les grandes villes de France sans provoquer de réactions politico-médiatiques significatives. Le gouvernement d’Emmanuel Macron mène une guerre impitoyable aux chômeurs, aux travailleurs et aux services publics. Les droites offrent un soutien inconditionnel au génocide en cours à Gaza, dont l’ampleur des atrocités horrifie jusqu’à la presse israélienne et fait sortir de leur réserve habituelle les ONG les plus pudiques. Mais le danger serait ailleurs, du côté de la gauche.
« Jean-Luc Mélenchon veut le vote des barbus, a accusé Éric Dupond-Moretti, ministre de la justice, Il a décidé de détruire la République. » Le député Renaissance Karl Olive a appelé à « ficher S » le leader de gauche, jugé comme « un danger pour la société ». (Via Médiapart, qui débunk méthodiquement le “mythe du vote musulman” en citant de nombreux travaux de recherche).
On ne compte plus les sondages alarmistes suggérant que Mélenchon soit devenu la personnalité politique la plus « inquiétante » du pays, loin devant Marine Le Pen, cette femme qui adore les chats et les dîners de galas néonazis. Les polémiques et cycles d’indignation politico-médiatique visant à imposer cette inversion dans la « diabolisation » s’enchainent à une vitesse hallucinante. Des élus macronistes appellent à la dissolution de LFI, pendant que le troisième personnage de l’État intime à Mélenchon de « fermer sa gueule ».
Or, la diabolisation de la France Insoumise ne profite que très marginalement aux autres ex-composantes de la NUPES. Selon les enquêtes d’opinions, si l’élection présidentielle avait lieu demain, LFI resterait de très loin la première formation d’une gauche incapable d’accéder au second tour. Pour les Européennes, la gauche hors LFI ne ferait pas mieux qu’en 2019.
Pourtant, il y a peine plus d’un an, Jean-Luc Mélenchon passait à seulement 1,2 % du second tour. La NUPES terminait en tête du premier tour des législatives et constituait le premier bloc d’opposition, avec 151 députés. La réforme des retraites, les records de chaleur de l’été sur fond de dérèglement climatique, le meurtre de Nahel et l’embrasement du conflit israélo-palestinien constituaient autant de crises qui auraient dû (pour les deux premières) ou pu (pour les deux autres) placer la gauche au centre du jeu. Au lieu de ça, on observe une extrême droitisation sidérante du champ politique. Le quotidien de la gauche instituée par excellence, Libération, se demandait quelle serait l’attitude à tenir en cas de duel Le Pen - Mélenchon en 2027.
Les difficultés de la gauche française touchent également les centrales syndicales, incapables d’opposer la moindre résistance au mouvement d’extrême droitisation et en cours dans le pays.
Comment expliquer un tel échec (supposé) ? Est-ce la faute d’un seul homme, Mélenchon ? Ou de la gauche « la plus bête du monde » ? La situation peut-elle s’inverser ? Je vous propose d’analyser tout ça posément.
1. François Hollande et la trahison de la gauche « sociale-démocrate ».
La présidentielle de 2017 a été un formidable moment de décomposition politique. Emmanuel Macron a abattu le vieux clivage gauche droite incarné par les deux partis centraux se disputant le pouvoir depuis des décennies : le PS et Les Républicains (ex-UMP/RPR).
Comme dans de nombreux pays, la gauche institutionnelle a fini par trahir son camp en gouvernant à droite. On est passé du « mon ennemi c’est la finance » à la loi travail. Ce glissement ne date pas d’hier. En 1983, Mitterrand embrasse le néolibéralisme en effectuant son « tournant de la rigueur ». Jospin assumera ensuite une « parenthèse libérale ». Mais la rupture définitive a lieu sous Hollande, conseillé par Emmanuel Macron, qui assume avec la CFDT de Laurent Berger le rôle de réformateur libéral dans une forme de surenchère avec la droite. Pire, en installant l’ambitieux Manuel Valls au ministère de l’Intérieur, il trahit aussi ses électeurs sur les questions sociétales.
Valls avait obtenu le plus mauvais score de la primaire socialiste (5 %), où il portait déjà un discours sécuritaire de « fermeté ». Avant la vague d’attentats islamistes et la crise migratoire, il avait déjà exacerbé la stigmatisation des « roms » à des fins politiciennes.
Conséquence de cette double trahison : François Hollande n’est pas en mesure de se représenter en 2017 et Manuel Valls perd largement la primaire socialiste. Cela ouvre un boulevard à Emmanuel Macron, élu en se présentant « ni de droite ni de gauche ». À gauche, justement, la campagne de Jean-Luc Mélenchon le place aux portes du second tour en écrasant l’alliance PS-EELV, qui obtient le pire score de son histoire (6 %).
2. Jean-Luc Mélenchon et la recomposition en trois blocs
Le succès électoral de la France Insoumise à la présidentielle de 2017 ne se reflète pas dans la composition de l’Assemblée nationale. Divisée, la gauche est balayée par Emmanuel Macron, qui obtient une majorité écrasante. Celle-ci lui permet de renoncer à son « en même temps » pour mener une politique à droite toute, qui répond à un double objectif.
Premièrement, asphyxier le parti Les républicains, sonné par la défaite de François Fillon, mais pas encore K.O. Deuxièmement, imposer les réformes néolibérales par la force, via un autoritarisme croissant. Le « bloc bourgeois », caractérisé par une majorité d’électeurs seniors et aisés, se regroupe autour d’Emmanuel Macron.
De son côté, La France Insoumise poursuit sa stratégie populaire et volontairement conflictuelle : à l’Assemblée, les députés (qui seront réélus confortablement) se font les porte-voix bruyants des classes populaires. LFI prend des risques politiques en menant seule l’opposition aux ordonnances travail (2017), puis en soutenant le mouvement des gilets jaunes dès le début (2018). Opérant une forme de clarification idéologique, Jean-Luc Mélenchon participe à une marche contre l’islamophobie (que certains laïcistes revendiquent comme une saine critique des religions, là où la gauche antiraciste y voit un racisme anti-musulman et anti-arabe) puis est le seul parti majeur à refuser de marcher aux côtés d’Éric Zemmour et des syndicats policiers factieux venus remettre en cause l’indépendance de la Justice.
Autrement dit, Jean-Luc Mélenchon reste fidèle à sa ligne politique de rupture avec le système dominant, celle qui l’avait poussé à faire campagne contre le traité constitutionnel européen en 2005 puis à quitter le PS à l’issue du Congrès de 2008.
Malgré leurs scores de 2017, les vieux partis ne s’avouent pas vaincus. Profitant de leur ancrage territorial et de leur capital symbolique, ils tentent de recréer une force de centre gauche dans l’espoir de récupérer les électeurs déçus du macronisme et les bobos gênés par la virulence de Mélenchon. Leurs scores aux élections européennes, où le taux d’abstention des jeunes et des classes populaires est défavorable à LFI, semblent leur donner raison.
En vue de la présidentielle de 2022, deux gauches irréconciliables se font de nouveau face. Une gauche bourgeoise (PS/EELV) n’ayant pas consommé la rupture avec le néolibéralisme, ambiguë sur l’antiracisme et la défense des libertés publiques, face à une gauche radicale, anticapitaliste et antiraciste qui s’assume comme telle. Autrement dit une gauche de gauche et une gauche de droite. Les tentatives de candidatures situées à gauche sur l’économie et le social, mais étant plus à droite sur le sociétal (la gauche « Marianne » - en référence au positionnement de l’hebdomadaire) sont incarnées par la candidature avortée d’Arnaud Montebourg puis celle de Fabien Roussel (PCF).
Le résultat de la présidentielle est sans appel. La maire de Paris Anne Hidalgo obtient le pire score de l’histoire du PS (1,74 %). Yannick Jadot (EELV) manque le seuil fatidique des 5 %. LFI dépasse les 22 %. C’est le triomphe de la gauche de rupture, dont l’accès au second tour est barré par le maintien de la candidature de Fabien Roussel, qui réalise le second pire score de l’Histoire du PCF (présidentielles et européennes incluses) : 2.3 %.
Logiquement, la NUPES se constitue à l’initiative de Mélenchon et sur le programme de LFI. La recomposition du paysage politique en trois blocs est ainsi achevée. Comme le noteront les économistes Thomas Piketty et Julia Cagé, le vote Macron de 2022 est « le vote le plus bourgeois de l’histoire française ». Ils reprennent à leur compte l’analyse théorique des économistes et politologues Bruno Amable et Stefano Palombarini, selon laquelle le paysage politique français se divise désormais en trois blocs de poids électoral relativement équivalent : un bloc d’extrême droite (Le Pen/Zemmour), un bloc de droite (Macron/LR) et un bloc de gauche (NUPES/NPA) dit « bloc populaire ».
3. « L’arc républicain » au secours du « bloc bourgeois »
Le bloc bourgeois se sert du bloc d’extrême droite pour arriver au pouvoir, en capitalisant sur le vote barrage pour se faire élire. L’émergence d’un bloc de gauche susceptible, comme aux législatives et à la présidentielle de 2022, de faire capoter cette stratégie ou de fournir une véritable opposition, lui est intolérable.
De même, l’extrême droite a besoin du bloc bourgeois pour prospérer. Le bloc de gauche constitue une menace directe sur la part de son électorat issue des classes laborieuses et risque de lui voler la vedette d’opposant. Extrême droite et Macronie ont ainsi un intérêt mutuel à la disparition de la NUPES et la marginalisation du bloc populaire. D’autant qu’ils sont proches idéologiquement : Marine Le Pen a renoncé à sa critique de l’euro et voté avec le gouvernement contre le rétablissement de l’ISF et la hausse du SMIC. Elle prône des politiques économiques d’orientation libérale, se prononce contre le droit de grève et sert objectivement les intérêts du patronat. De même, le bloc bourgeois adopte des pans entiers du programme du RN : lois anti-immigration et sécuritaire, renforcement des pouvoirs de la Police… On l’a vu avec la loi immigration : la vice-présidente du groupe macroniste à l’Assemblée a reproché au RN de voter contre le texte en affirmant “nous vous l’offrons sur un plateau d’argent avec plus de 250 amendements du RN”.
Comme l’écrivait Stefano Palombarini en 2022, la constitution d’un front républicain anti-NUPES n’était qu’une question de temps. Dès les élections législatives, le parti de la majorité présidentielle a refusé d’appeler à un vote barrage contre le RN ou de se désister dans les triangulaires. Une fois ce dernier à l’Assemblée, il a été rapidement notabilisé par la majorité présidentielle, en partie du fait de la stupéfiante inculture politique de certains élus macronistes, et en partie par stratégie. Le choix d’offrir deux vice-présidences de l’Assemblée nationale au RN s’est accompagné des louanges des cadres de la Macronie (« Sebastien Chenu n’est pas un bon vice-président, c’est un excellent vice-président » dixit Yael Braun-Pivet). Puis les élections partielles ont vu la mise en place d’un nouveau front républicain (allant du RN à la Macronie) contre une députée insoumise.
En parallèle, le pouvoir s’est très rapidement étranglé face à l’opposition de la NUPES. Bien avant l’usage du 49.3 et des 47.1 et 44.3 pour imposer la réforme des retraites, le gouvernement accusait déjà LFI de sortir du champ républicain. Confrontée à ces propos (pour le coup antirépublicains), Elizabeth Borne avait simplement expliqué aux journalistes médusés qu’elle excluait LFI de l’arc républicain, car cette formation s’opposait à sa politique.
Au-delà de cette hostilité à la démocratie, le fait d’instrumentaliser la moindre polémique et d’accuser LFI de sortir de l’arc républicain avait pour objectif de briser la NUPES. Cette stratégie est exécutée de concert avec l’extrême droite et l’écrasante majorité des grands médias. Le but étant de laisser une gauche morcelée et inexistante (comme c’est le cas dans de nombreux pays européens - l’exemple italien venant immédiatement à l’esprit) face à un nouveau clivage entre un bloc bourgeois néolibéral et autoritaire et une extrême droite raciste et nationaliste se disputant seuls le pouvoir.
L’idée qu’une gauche moins « radicale » aurait été admise dans le club de « l’arc républicain » est contredite par les faits. Lorsqu’ils représentaient une menace pour le bloc bourgeois, les cadres de la NUPES issus du PS et de EELV ont subi les mêmes interviews en forme d’interrogatoires partisans. Même une personnalité appréciée des journalistes comme François Ruffin subit de telles violences quand le pouvoir se tend. La gauche n’est tolérée que lorsqu’elle accepte de manifester avec Zemmour, défend les positions du bloc bourgeois, accepte de se plier à ses injonctions et ne représente aucune menace électorale. On voit ainsi comment Marion Maréchal Le Pen peut dire « on s’en fout » à propos du terrorisme d’extrême droite, mais que le moindre propos de Mélenchon est instrumentalisé contre lui.
4. La création de la NUPES et la « faute » de Mélenchon
En 2022, Mélenchon se trouvait dans la position naturelle pour rassembler la gauche derrière lui et ancrer ce fameux bloc populaire dans le paysage politique. Il était confronté à une forme de responsabilité face à l’Histoire. Partir seul aux législatives présentait des risques politiques importants : LFI abandonnerait ainsi tout espoir d’imposer une cohabitation à Emmanuel Macron et lui offrirait une majorité absolue. De plus, le RN risquait d’obtenir des dizaines de sièges et de s’installer comme première opposition, se plaçant en situation idéale pour accéder au pouvoir en 2027. La perspective d’Éric Zemmour à l’intérieur et Marion-Maréchal Le Pen à l’éducation devait être prise au sérieux, tout comme la possibilité de remporter une majorité et de former un gouvernement Mélenchon dès 2022. D’où la décision de faire la NUPES. Cette alliance avec les vieux partis de la gauche bourgeoise présentait un risque conséquent, puisque cela revenait à ressusciter des forces politiques massivement désavouées par les électeurs et idéologiquement hostiles au concept de rupture. Leur soutien devait permettre de ne pas trop subir de démobilisation électorale aux législatives, où les classes populaires s’abstiennent massivement, en enclenchant un nouveau récit d’union de la gauche conquérante.
Il s’agissait enfin d’un double pari. Sur le court terme, prendre le risque de sauver les vieux partis pour tenter de gagner Matignon. Sur le plus long terme, parier que les différentes composantes de la gauche allaient désormais intégrer la nécessité de défendre une ligne politique de rupture.
EELV a été le premier à signer, plus proches de LFI idéologiquement, mais également consciente qu’il en allait de sa survie. Au sein du parti socialiste, une fracture plus nette est apparue. Après un sommet particulièrement houleux, la ligne pro-NUPES de Olivier Faure s’est imposée au grand dam des vieux barons socialistes. L’accord prévoit davantage de circonscriptions gagnables pour chaque parti que leur score à la présidentielle leur permettait de revendiquer. Le PCF a été le plus récalcitrant et le moins bien servi, Fabien Roussel s’accrochant à la ligne identitaire du parti.
La NUPES parvient à se placer en tête du premier tour des législatives et obtient plus de 33 % des voix au second. Mais la distribution territoriale du vote joue en sa défaveur : elle fait des très gros scores dans les zones urbaines et peine à se maintenir au second tour dans les campagnes. Elle se retrouve ainsi exclue de nombreux seconds tours ou embarquée dans des matchs contre le RN en duel ou triangulaire.
L’appareil médiatique panique et toute la campagne de l’entre-deux tour se fait contre la NUPES, le RN n’étant pas mentionné comme menace malgré sa présence dans un nombre élevé de duels. Résultat, la NUPES paye les prémices d’un vote barrage anti-gauche. Le résultat se joue à pas grand-chose, puisque de nombreux sièges sont perdus ou gagnés de quelques centaines de voix. Les dissidents PS de la NUPES, qu’Olivier Faure avait évité d’exclure du parti, coûtent également des sièges directement et indirectement.
En dépit d’un quadruplement de ses députés, l’échec de LFI est significatif. Côté pile, Mélenchon ne parvient pas à remporter Matignon (la bifurcation écologique et la reconstruction des services publics attendront), le RN obtient un nombre record de députés lui permettant de revendiquer le statut de premier opposant et Macron obtient une majorité relative qui va lui permettre de gouverner sans réelle opposition, à coup de 49-3. Côté face, le PS, EELV et le PCF survivent politiquement en obtenant leurs groupes parlementaires (comme le prévoyait l’accord électoral). LFI se console avec la présidence de la commission des finances et un grand groupe de députés qui va lui permettre d’obtenir des financements publics importants.
Rétrospectivement, la faute de Mélenchon aura été de faire la NUPES. En partant seul, il enterrait pour de bon le PCF, EELV et le PS, qui se seraient trouvés incapables de peser dans le débat national (étant privé de groupes à l’AN) et endettés financièrement après des campagnes présidentielles désastreuses. L’exposition médiatique est le nerf de la guerre en politique, l’argent servant à faire campagne et porter son message sans dépendre des médias. Or, malgré le succès électoral de la NUPES, Macron gouverne sans opposition, le RN est désormais considéré comme l’inévitable alternative à l’Elysée et les autres composantes de la NUPES ont tourné le dos à l’accord programmatique en refusant d’endosser une ligne de rupture. Au point de laisser systématiquement à LFI le soin de tenir cette ligne envers et contre tout.
5. La mort de la NUPES et la « faute » de EELV
Immédiatement après les législatives, Mélenchon a cherché à installer la NUPES comme supra-structure à gauche en demandant la constitution d’un seul groupe « NUPES » à l’Assemblée. Cela aurait permis de constituer une opposition claire (151 sièges, près du double du RN et de LR), de truster les postes clés réservés à l’opposition et d’installer la NUPES comme seconde force politique du pays. De même, LFI a plaidé pour une liste unique NUPES aux Européennes (avec EELV en tête de liste), afin d’arriver première devant le RN. Cette stratégie s’est heurtée aux multiples refus du trio PS/EELV/PCF.
Pendant la campagne des législatives, Fabien Roussel n’a eu de cesse de se distancier de la NUPES, rabaissant cette alliance historique tant attendue par les sympathisants de gauche à un simple accord électoral. Il a multiplié les prétextes pour éviter de participer aux meetings communs et continué d’alimenter les polémiques médiatiques sur les thèmes réactionnaires qu’il avait activés pendant la présidentielle. Les militants du PCF ont pourtant plébiscité sa ligne lors du Congrès du parti fin 2022, actant une prise de distance avec la NUPES.
En parallèle, EELV a été le premier à refuser la logique d’une liste commune aux Européennes, élection où cette formation réalise (de loin) ses meilleurs scores. Le PCF a emboîté le pas d’EELV, ouvrant la voie à l’exclusion de LFI des listes pour les sénatoriales, à la grande joie du PS (qui profite de son ancrage territorial pour maintenir un nombre conséquent de sénateurs). Mais c’est du PS que l’implosion est véritablement venue. Le Congrès du Parti socialiste a mis Olivier Faure et la ligne pro-NUPES en grande difficulté, la direction étant vraisemblablement contrainte de bourrer les urnes pour se maintenir au pouvoir. La nouvelle priorité de Faure n’était plus de faire vivre la NUPES, mais d’éviter une scission de son propre parti. Le 15 octobre 2023, les adhérents du PCF ont également voté une résolution qualifiant la NUPES d’impasse et appelant à un autre type d’Union, avec les vieux ministres de Hollande et dirigeants de l’aile droite du PS (Cazeneuve, Delga, Hidalgo…).
Ainsi, les appels émanant de LFI pour des listes communes aux prochaines élections et une stratégie d’opposition concertée à l’Assemblée ont été désavoués par les directions des autres partis, dans le cadre de procédures internes clairement identifiables. EELV a joué un rôle important dans cet échec, car sa base n’était pas acquise à la stratégie de liste autonome aux Européennes. Marine Tondelier (présidente d’EELV) a pourtant explicitement dit en quoi faire cavalier seul était indispensable : les verts espèrent qu’une inversion des scores aux Européennes leur permettra de renégocier le programme commun en vue des présidentielles. Autrement dit, renoncer à la ligne de rupture.
Le trio PS/EELV/PCF a choisi de sortir de la NUPES pour différentes raisons. Le PCF tient à sa stratégique de défense de l’identité communiste sur la ligne Roussel. D’où leur emphase sur leurs principales divergences avec LFI (la critique des violences policières, l’antiracisme et le nucléaire). Tout est fait pour exister médiatiquement.
EELV et le PS sont pour leurs parts dans un refus évident d’une ligne de rupture et d’un programme réellement de gauche. Cela peut paraître stupéfiant compte tenu de leurs scores aux deux dernières présidentielles et législatives (où, malgré l’attribution de nombreuses circonscriptions prenables, le PS n’est parvenu qu’à sauver ses sortants et EELV a sous-performé les projections). Mais cela se comprend mieux si on accepte l’idée que ces formations n’aspirent pas à la prise de pouvoir. L’aile droite du PS hostile à la NUPES est essentiellement constituée de maires et de président de régions, qui comptent avant tout préserver leur pouvoir local, comme me le faisait remarquer Stefano Palombarini.
EELV est un parti construit pour les Européennes ayant remporté des succès notables aux municipales. Mais qui a choisit d’inviter Gaspard Koening, ultralibéral ayant deux fois appelé à voter Emmanuel Macron, en ouverture de son lancement de campagne pour les Européennes. La part importante consacrée au développement personnel dans ce meeting a provoqué de nombreuses moqueries et révolté les cadres EELV proches de LFI. Or, il s’agirait d’un choix conscient de la direction du parti qui veut séduire la mouvance écolo-bobo New age. Une stratégie aux antipodes de la ligne de rupture et populaire prônée par LFI.
Tous ces éléments mis bout à bout montrent bien que l’implosion de la NUPES n’est pas du fait de Mélenchon, que certains accusent d’avoir poussé les autres dehors par ses outrances plus ou moins orchestrées. Il s’agit d’abord d’une divergence de ligne idéologique et d’approche stratégique : les autres partis continuent de cibler l’électorat aisé, urbain et bourgeois macron-compatible. Cette stratégie permet — pour l’instant — de faire de bons scores dans les scrutins indirects (sénatoriales) ou à faible participation (municipales, européennes, régionales…), mais reste un désastre pour enrayer la montée du néolibéralisme autoritaire et de l’extrême droite à la seule élection qui compte réellement en France : la présidentielle.
La NUPES a officiellement implosé sous fond du conflit à Gaza, le refus insoumis de qualifier le Hamas d’organisation terroriste (lire ici et là pour des justifications argumentées) ayant braqué leurs partenaires. Si ce choix est pour le moins discutable, les insoumis n’ont pas exigé de leur partenaire qu’ils adoptent leur propre ligne. Ces derniers auraient pu acter le différend sans en faire une ligne rouge.
Rejeter la responsabilité de la mort de la NUPES sur Mélenchon est un peu facile. Les députés NUPES ont été élus sur un programme commun. Les électeurs ont voté pour la NUPES, pas pour Michel du PS, Jacqueline d’EELV ou Arthur l’Insoumis. Par son attitude, LFI a pu braquer ses partenaires, peu habitués à être conspués par la bourgeoisie politico-médiatique à l’Assemblée et dans les médias. Mais ces derniers ont trahi les électeurs en considérant que la NUPES n’était qu’un accord électoral qu’on pouvait jeter à la poubelle une fois élu. La faute de Mélenchon est de leur avoir fait confiance au départ, au lieu de partir seul aux législatives et de les enterrer définitivement.
6. De la réforme des retraites au conflit à Gaza : divergences stratégiques et erreurs de LFI
Après des débuts très mouvementés à l’Assemblée, Elizabeth Borne multipliant les 49.3 pour faire voter le budget, la réforme des retraites devait être la mère de toutes les batailles. De manière assez stupéfiante, le gouvernement a engagé cette réforme majeure en multipliant les arguments lunaires et fautes politiques pour défendre sa réforme. Logiquement, la rue s’est mobilisée, accouchant du plus grand mouvement social de l’histoire du pays en nombre de manifestants. Mais au sein de la NUPES et des forces de gauche en général, deux lignes stratégiques se sont rapidement affrontées.
La ligne Mélenchon, qui ne brille pas par sa complexité, se résumait à dire : la réforme des retraites est une réforme du bloc bourgeois contre le monde du travail, ni les médias ni les institutions de la Ve république ne vont lâcher quoi que ce soit. Seul un mouvement de masse de la rue avec grève aura raison de la réforme. Il faut donc axer toute notre stratégie sur l’accompagnement de ce mouvement. Une coordination syndicats/partis est nécessaire, mais doit se faire de manière partagée. D’où l’obstruction parlementaire, le refus d’aller au vote sur l’article portant sur le décalage de l’âge de départ à la retraite et la création de caisses de grèves pour encourager le blocage du pays. Aucune pression médiatique ne devait entraver cette stratégie.
Celle des dissidents LFI et du reste de la NUPES consistait à suivre les instructions de l’intersyndicale (donc du Macron-compatible Laurent Berger) et de laisser le débat parlementaire suivre son cours. Cette ligne faisait le pari du vote au parlement, puis de la censure du Conseil constitutionnel et du succès d’un référendum d’initiative partagée. Les syndicats (dont la CGT, historiquement liée au PCF et dirigé par un Philippe Martinez ayant des comptes personnels à régler avec Mélenchon) ont accusé LFI de vouloir récupérer le mouvement avant d’organiser la défaite en refusant de construire le blocage du pays.
Comme on l’a vu, le gouvernement n’a pas hésité à recourir au 49.3 pour éviter tout vote sur la réforme, puis a réprimé dans le sang les manifestations qui ont éclaté après le contournement du parlement. De même, le Conseil Constitutionnel a tordu le droit pour valider la réforme puis bloqué à deux reprises la tentative de mise en place d’un référendum d’initiative partagée. Jouer le jeu des institutions bourgeoises de la Ve république était une stratégie vouée à l’échec, comme le fut la tentative d’abrogation de la loi du centriste Charles de Courson en juin. La présidente de l’Assemblée s’est simplement assise sur le règlement de l’institution pour empêcher le vote.
Si la stratégie de conflictualité et d’opposition ferme de Mélenchon était correcte, LFI a commis des erreurs de communication désastreuses, habilement instrumentalisées par le pouvoir. Il y a eu l’affaire Thomas Portes, le député postant sur Twitter une photo prise en manifestation où il a le pied sur une balle de chamboule tout à l’effigie du ministre de travail. Puis celle d’un autre député LFI qualifiant Olivier Dussopt d’assassin après avoir expliqué que sa réforme augmenterait le nombre de morts au travail. À chaque fois, les notables de la NUPES, PCF en tête, se sont joints aux indignations théâtrales des LR, RN et de la Macronie. Un manque de solidarité aussi stupide qu’incompréhensible, sauf à analyser les positions des élus PCF/PS/EELV comme des réflexes bourgeois. Car il se jouait davantage que la réforme des retraites.
Une victoire aurait installé la gauche comme première force politique du pays et contraint Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée, mettant un arrêt potentiellement définitif à son agenda de réformes antisociales. Encore fallait-il croire en la victoire, ce qui n’était pas le cas de l’intersyndicale et probablement pas non plus la principale préoccupation des composantes bourgeoises de la NUPES.
In fine, la réforme a été adoptée, l’image de LFI dans la population durablement écornée et la cohésion de la NUPES fragilisée.
La crise politique suivante a été déclenchée par le meurtre de Nahel des mains d’un motard de la police nationale, suite à un refus d’obtempérer. Le mensonge initial des policiers, relayé par les médias, a provoqué les plus grandes émeutes urbaines du pays. LFI a de nouveau tenu la bonne ligne idéologique, qui consistait à dénoncer les violences policières et rejeter la responsabilité sur le meurtrier de Nahel, tout en proposant un horizon politique pour une sortie de crise : l’abrogation de la loi assouplissant l’usage des armes à feu des policiers. LFI a également refusé d’appeler au calme, ce qui aurait été vain, mais lui aurait évité d’être accusé de soutenir les émeutes pour rejouer le match de la réforme des retraites.
Le reste des composantes de la NUPES a dénoncé cette position, contribuant à la diabolisation de LFI. Or, les enquêtes d’opinion ont rapidement montré que la population française rejetait fermement les émeutes. Une fois de plus, LFI a tenu la ligne humaniste, cette fois contre tout l’appareil politico-médiatique et l’opinion publique. L’intersyndicale, au lieu d’appeler à une grande marche contre les violences policières, a fait le dos rond.
Comme nous l’avons vu, la situation à Gaza a fini d’achever la NUPES. Les errements stratégiques dans la communication de LFI peuvent s’expliquer par la dimension populaire et radicale de ses élus. Thomas Portes est un cheminot et ancien délégué syndical CGT à la SNCF, sa pratique de la lutte est plus proche des grévistes que des couloirs policés de l’Assemblée nationale. De même, les émeutes urbaines qui ont fait suite à la mort de Nahel évoquaient un mouvement type « Black Lives Matter » avant que le gouvernement fasse interdire les manifestations déclarées par les collectifs militants et bloque les modes d’expressions pacifistes.
Enfin, le manque de compassion initialement témoigné envers les victimes israéliennes du Hamas constitue clairement une faute politique majeure, comme le relevait le philosophe proche des mouvances d’extrême gauche Frédéric Lordon.
Cette faute politique peut se comprendre si, comme les dirigeants de LFI, vous avez suivi depuis longtemps et dans les détails le conflit israélo-palestinien. Avant le 7 octobre, il ne se passait quasiment pas une journée sans qu’une vidéo d’exaction d’Israël à Jérusalem ou en Cisjordanie émerge sur les réseaux sociaux ou dans la presse indépendante. Et pour les militants politiques qui ont développé une grande empathie pour la cause palestinienne, le premier réflexe n’a pas été de condamner suffisamment fermement l’attaque du Hamas (dont l’ampleur des atrocités n’était pas encore totalement connue), mais de pointer du doigt les causes profondes ayant produit cette horreur, d’appeler à des négociations et d’alerter sur le risque d’embrasement.
Le fil directeur de ces crises tient en deux choses : l’incapacité structurelle des partis EELV/PS/PCF a incarné une gauche de rupture débarrassée de ses réflexes bourgeois d’une part, et une certaine difficulté d’appréciation de la société française de la part de LFI d’autre part. Ce second point peut s’expliquer par le manque de démocratie interne.
7. Ambitions personnelles et ligne de fracture stratégique à LFI : la « faute » de Francois Ruffin
À l’automne 2022, Adrien Quatennens reconnait avoir giflé sa femme suite aux pressions médiatiques. Il renonce à ses fonctions de coordinateur de LFI et est exclu du groupe pendant quatre mois, une sanction jugée insuffisante, alors qu’au sein de LFI, des militants demandaient sa démission. Mélenchon, au nom de principes honorables de « proportionnalité des sanctions » et « droit à une seconde chance », mais en déconnexion manifeste avec l’air du temps, l’a défendu bec et ongles.
Cet épisode a priori anecdotique a eu plusieurs conséquences importantes. D’abord, Mélenchon a perdu son bras droit et successeur désigné, augmentant les appétits internes pour incarner la relève et « faire mieux ». Ensuite, la défense de cet excellent soldat, qui avait comme principale qualité de tenir la ligne du parti en ramenant toujours les discussions au programme sans chercher à se mettre personnellement en avant, a provoqué des premiers remous au sein de la NUPES. Surtout, cela a démontré la main mise de Mélenchon sur LFI et sa volonté de rester aux commandes, malgré son célèbre « Faites mieux ».
Le renouvellement du bureau de la direction de LFI a été un autre épisode délicat, les cadres les plus ambitieux (Francois Ruffin, Alexis Corbières, Éric Coquerel, Clémentine Autain, Raquel Garrido) en étant systématiquement exclus.
Une première lecture politicienne consiste à voir cela comme une manifestation d’autoritarisme de Mélenchon, qui cherche a écarter de la direction du parti toute figure en mesure de lui disputer l’investiture pour la présidentielle de 2027. LFI dispose, grâce à ses 75 députés et pour la première fois de sa courte histoire, d’un véritable trésor de guerre. Partir en campagne en 2027 sans cette manne financière serait suicidaire. Autrement dit, qui contrôle l’argent contrôle la campagne de 2027 (que ce soit Mélenchon le candidat ou une personne qu’il aura adoubée).
Une seconde lecture plus politique consiste à remarquer que la plupart des cadres exclus du bureau national avaient précédemment étalé leurs divergences dans la presse. Clémentine Autain est connue pour ces initiatives personnelles depuis 2017. Issue du PCF et sur une ligne moins radicale en matière d’économie tout en étant plus attachée aux causes féministes, elle n’a pas la culture trotskiste propre à Mélenchon et aux nombreux cadres du parti proches du POI.
François Ruffin est un autre trublion. Les militants LFI lui reprochent son incapacité chronique à tenir la ligne du parti, et ce depuis 2017. Lorsqu’un journaliste lui demande son avis sur une question politique, au lieu de se référer au programme l’Avenir en Commun, il avance ses propres propositions. Autrement dit, Ruffin a toujours joué perso. Et depuis les législatives de 2022, il multiplie ses épanchements dans la presse pour exposer ses divergences stratégiques, parfois de manière pertinente (sur la réforme des retraites, LFI aurait certainement mieux fait de l’écouter un peu plus en matière de communication), sur la stratégie électorale (sa curieuse opposition campagne/banlieue semble davantage emprise de préjugés qu’instruite par des données électorales et sociologiques concrètes) ou sur des positionnents politiques précis. Ruffin semble souvent mieux à l’écoute de la société lorsqu’il s’agit de pondre un communiqué, avec ses propres limites. Lorsqu’il sort un livre pour fustiger la France des allocs en pleine réforme de l’assurance chômage, il fait un cadeau inespéré au bloc bourgeois, quelles que soient la pertinence et la subtilité de son message.
Que ce type de figure capable de tirer dans le dos de ses camarades lorsqu’ils sont en difficultés, comme dans l’épisode du conflit Hamas/Israël, soit écarté de la direction semble tout à fait justifié. Reste qu’il incarne aussi une ligne politique quelque peu différente, qui consiste à maintenir une certaine distance avec les activistes et milieux militants sur les questions sociétales (féminisme, anti-racisme) tout en cherchant à “notabiliser” la gauche de rupture au lieu de poursuivre la stratégie de conflictualité théorisée par Mélenchon. Ce dernier la défend en s’appuyant sur ses scores aux deux présidentielles tout en expliquant que c’est du conflit politique et des divergences que naissent les prises de consciences indispensables à la constitution d’un bloc électoral acquis à un projet de rupture avec le capitalisme. Ruffin ne se place pas en désaccord total avec cette stratégie mais estime qu’il est inutile de tendre le bâton pour se faire battre, “ressens” que la population française est fatiguée par le conflit permanent instigué par le pouvoir et espère raccrocher une partie de la gauche bourgeoise à sa cause. Ce qui nécessiterait d’adopter une communication plus lisse.
LFI souffre structurellement d’un manque de démocratie interne quasi comique lorsqu’on connait leurs positions sur la Ve république. Cela produit des communiqués déconnectés de la réalité et, en l’absence de ce cadre pour débattre des divergences, des frondeurs. Si Ruffin avait la possibilité d’influencer la ligne stratégique de LFI en interne, il ne tenterait probablement pas de le faire par voie de presse.
Selon l’hebdomadaire l’Express, Ruffin, Corbières et Garrido ourdissaient un plan « anti-Mélenchon » avec Clémentine Autain et l’ambitieux député PS Jerôme Guedj, lors de diners pas si secrets. L’idée consistait à exploiter le faible score annoncé de LFI aux Européennes pour éjecter Mélenchon ou créer un groupe parlementaire dissident, toujours selon l’Express.
Si ces informations doivent être prises avec des pincettes, elles expliquent la sanction lunaire prise contre Raquel Garrido. Étant la figure la moins populaire et influente des frondeurs, elle constituait une cible évidente pour remettre le reste des dissidents à leur place.
La gauche la plus bête du monde ?
Cette politique politicienne, qu’on retrouve également à droite de l’échiquier, ne doit pas faire perdre de vue l’essentiel. Les problèmes actuels proviennent de deux contradictions fondamentales qui traversent la gauche française.
Au sein de LFI, le manque de démocratie du mouvement empêche de régler sereinement les désaccords de ligne et de stratégie, que ce soit lorsqu’il faut gérer un scandale type Quatennens, ou se positionner sur les émeutes des banlieues et le conflit israélo-palestinien. Cela favorise les erreurs politiques en plaçant les décideurs dans une forme de « bulle », tout en encourageant les dissidences publiques. Ce manque de démocratie est également présent au sein de la Macronie, mais cette dernière est au pouvoir et ne prétend pas vouloir instaurer une 6e république. Néanmoins, l’aversion pour la démocratie interne peu s’expliquer par les traumatismes des Congrès du PS subit par Mélenchon et sa vielle garde, alors que le collectif insoumis inclus de nombreux novices et des ambitieux ayant pris au pied de la lettre le fameux « Faites mieux ».
Au sein de la NUPES, la contradiction découle de l’objectif de construction d’un bloc de gauche « populaire » portant un projet politique de rupture (l’un ne va pas sans l’autre) avec des partis bourgeois préoccupés par des logiques boutiquières et la préservation de leur pouvoir à l’échelle locale. Ces logiques sont rejetées par les organisations de jeunesses (EELV et PS) qui souhaitent poursuivre la construction de la NUPES.
Deux solutions semblent envisageables. La première, que Mélenchon n’a pas osé entreprendre probablement par crainte de perdre le contrôle sur l’appareil, consiste à mettre en place des parlements populaires pour démocratiser la structure tout en permettant aux militants de chaque parti et à toute autre personne de prendre sa carte à la NUPES et participer à ces parlements populaires. Autrement dit, démocratiser et faire confiance à la base. S’il est trop tard pour la NUPES, l’Union Populaire peut se faire sans elle.
La seconde consiste à rejouer le match de 2022 aux Européennes puis 2027. D’ici là, les événements politiques qui surgiront dans l’actualité pourront présenter des opportunités de recoller les morceaux ou de diviser la gauche plus durablement. Avec le risque de voir resurgir une gauche de droite type Anne Hidalgo ou Yannick Jadot, cette fois unie et suceptible de marginaliser LFI, tout en restant incapable de prendre le pouvoir.
Dans tous les cas, la gauche française ne se limite pas à ces partis (et directions syndicales, elles aussi boutiquières et embourgeoisées). C’est de la base et hors du jeu électoral que se construisent la force et les victoires. Au moins, en France, l’offre électorale inclue une gauche de rupture qui reste en capacité de faire peur au pouvoir. Ce qui explique l’acharnement de ce dernier pour « tuer » les représentants de ce camp social.
Bien vu, excellent,
J’aime bien votre regard.
valtat