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Pourquoi la gauche peut gagner les législatives et gouverner en juin

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Pourquoi la gauche peut gagner les législatives et gouverner en juin

Attendez-vous à une campagne d'une brutalité inédite.

Christophe @PoliticoboyTX
May 16, 2022
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Pourquoi la gauche peut gagner les législatives et gouverner en juin

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Ils l’ont fait. Cinq ans que les journalistes politiques et éditorialistes de tout poil la réclamaient, 15 ans qu’elle n’avait pas eut lieu. La voilà, devant nous : l’Union de la gauche. Pardon, la NUPES (Nouvelle Union Populaire écologique et sociale).

Certes, elle semble un peu bancale. Il y a des mécontents, des dissidents, des frictions, des tentatives de déstabilisation. Quoi de plus normal, l’accord historique a été arraché par la France Insoumise en 13 petites journées (et nuits) d’âpres négociations. À en juger par les réactions qu’elle suscite à droite et à l’extrême droite, chez les mêmes éditorialistes et journalistes politiques qui fustigeaient la gauche désunie… la NUPES fait peur. Très peur.

Les couvertures dramatiques auxquels vous aviez échappés pendant la présidentielle font leur retour dans les kiosques. Tremblez, pauvres gens, voici venir la hausse des salaires, la transition écologique et le rétablissement de l’ISF!

Ses chances de victoire sont réelles, comme le suggèrent les sondages. Même si elle échouait à envoyer Mélenchon à Matignon, la NUPES devrait permettre d’imposer une opposition conséquente et clairement ancrée à gauche au Parlement. Condition nécessaire pour limiter le pouvoir d’Emmanuel Macron et empêcher l’extrême droite de s’installer comme seule alternative au macronisme dans la décennie qui vient.

Les enjeux sont évidents. Comme le disait Marisol Touraine à Emmanuel Macron “maintenant tu as les mains libres, tu peux faire ce que tu veux”. Puisque ce sera son dernier mandat, s’il dispose d’une majorité à l’Assemblée, rien ne sera en mesure de l’empêcher d’en finir avec le modèle social français. À part la rue, peut-être. Mais nous n’en sommes pas encore là. N’en déplaise aux journalistes politiques du service public, la gauche a une véritable carte à jouer en juin.

Dans cet article, nous allons détailler pourquoi et comment elle est parvenue à s’unir, analyser ses chances de victoire et la signification plus large et concrète de ce séisme politique qui fait trembler tout ce que la France compte de bourgeois réactionnaires.

Pourquoi l’Union de la gauche a finalement eu lieu

Pour faire simple, la présidentielle a tout débloqué.

Depuis 2017, aucun responsable de gauche (ou presque) ne pouvait donner une interview sans qu’on l’adjoigne au rassemblement. Le discours médiatique pouvait se résumer à un enchaînement de sophismes du type : l’union fait la force, la gauche est désunie, vous allez perdre, pourquoi vous ne faites pas l’union, c’est une question d’ego, c’est ça ?!?

En réalité, outre les considérations électoralistes des différents partis soucieux de défendre leurs boutiques, il y avait surtout des désaccords de fond, sur la stratégie et le programme.

En particulier, trois points fondamentaux divisaient la gauche : le système économique (accompagnement vs rupture avec le néolibéralisme), l’Europe (obéissance aux traités européens vs contestations de ces traités) et le sociétal (laïcité qui glisse vers l’islamophobie et soutien inconditionnel à la Police vs anti-racisme et dénonciation des violences policières - pour résumer).

Ces deux lignes s’affrontent parfois au sein d’un même parti. Yannick Jadot a défilé aux côtés d’Éric Zemmour en soutien des policiers venus réclamer la fin de la séparation des pouvoirs, contre l’avis des autres ténors écologistes. Il a remporté de justesse la primaire d’EELV sur une ligne proche de Macron (plutôt libérale), tout comme Anne Hidalgo s’est imposée au PS avec une ligne droitière sur les questions sociétales.

Ces deux candidatures espéraient recréer un espace entre Mélenchon et Macron, en récupérant les électeurs de centre gauche déçus du macronisme. Elles ont fait un énorme bide. Hidalgo a obtenu le plus faible score de l’Histoire de son parti, finissant derrière Jean Lassale et le PCF. Jadot a manqué le seuil des 5%, l’obligeant à faire la manche pour rembourser ses dettes de campagne.

Le glissement réactionnaire observé chez le PCF, le PS et la candidature de Yannick Jadot poursuivait un but similaire : pour récupérer les classes populaires, certains “stratèges” estimaient qu’il fallait tenir un discours sécuritaire proche de ce que pouvait dire la droite - voire l’extrême droite.

Cette ligne, inspirée du Printemps républicain, a clairement échoué. Les électorats visés se sont reportés vers Macron (pour la bourgeoisie socialement progressiste qui votait Hollande en 2012) et Mélenchon (pour les classes populaires).

Avant les présidentielles, ces divergences stratégiques et idéologiques empêchaient tout rassemblement. D’autant plus qu’aucun parti n’était suffisamment puissant pour imposer sa ligne. La France Insoumise a obtenu un score “hégémonique” en 2017, mais enchaînait les déconvenues depuis. Le PS et EELV oscillaient au gré des élections et des sondages. Et le PCF jouait sa survie en tant que parti.

Ce n’est pas l’union qui fait la force, c’est la force qui fait l’Union - Hollande, évoquant Mitterrand, en septembre 2021

La présidentielle a tout débloqué. La force est clairement allée à Jean-Luc Mélenchon, qui a réussi à augmenter le total du bloc de gauche (de 28 % en 2017 à 32 % en 2022) tout en frôlant le second tour. S’il a bénéficié d’un vote utile, celui-ci ne représente qu’une fraction marginale de ses voix.

La France Insoumise était donc en position de rassembler autour d’elle, d’autant plus que les autres partis se sont retrouvés dos au mur. Sans accord, ils ne seraient pas en mesure d’atteindre le seuil de 15 députés nécessaires à l’obtention d’un groupe parlementaire à l’Assemblée. Or, les législatives sont lourdes de conséquences pour une formation politique : les scores réalisés au premier tour déterminent les financements publics alloués aux partis et les temps de parole garantis dans les médias. À condition de présenter au moins 50 candidats.

Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a résumé le dilemme devant ses troupes : Anne Hidalgo a obtenu un score supérieur à 3 % dans seulement 12 circonscriptions sur 577. Elle n’a dépassé les 5 % dans aucunes. Selon les projections de ses équipes, sans accord électoral, le PS n’obtiendrait que 3 à 5 députés (contre 30 en 2017 et 280 en 2012). Alors que sur les 70 circonscriptions cédées par LFI, les candidats socialistes seraient en mesure d’atteindre le second tour dans 85 % des cas. Même si cela obligeait le PS à abandonner des circonscriptions prometteuses et faire campagne pour Mélenchon, l’alternative était la disparition pure et simple du PS à l’Assemblée.

PCF et EELV faisaient face à une situation comparable. Et face aux sondages indiquant que 85 % des sympathisants de gauche voulaient une Union, il était compliqué de torpiller le rassemblement.

L’accord bénéficie également à LFI. Il ancre le récit d’un affrontement entre trois blocs (gauche, droite et extrême droite) et installe un duel “gauche unie contre Macron”. Il évite la dispersion des voix et clarifie les enjeux de la campagne, tout en saturant l’espace médiatique avec un récit positif (Union historique, victoire envisageable) susceptible de mobiliser l’électorat.

Sans union, Mélenchon aurait systématiquement été taxé de dictateur en puissance souhaitant l’hégémonie, incapable de passer des accords à cause de son extrémisme et de son ego démesuré. Les autres partis de gauche auraient d’abord fait campagne contre LFI (comme à la présidentielle) et le résultat aurait été similaire à 2017 : des scores honorables à l’échelle nationale, mais un nombre anémique de députés à l’arrivée.

Avec l’accord, deux cas de figure se dessinent : si la NUPES obtient une majorité, elle sera en mesure de former un gouvernement et d’appliquer son programme. Si elle échoue, chaque composante de la coalition retrouvera son autonomie, mais obtiendra davantage de députés qu’en faisant cavalier seul. En signant l’accord, LFI perd une opportunité de “tuer” les forces de gauche “macron-compatibles”. Mais elle s’assure un plus grand nombre de députés et se place au centre du jeu politique à gauche. Se faisant, elle ancre durablement une perspective de rupture avec le néolibéralisme autoritaire dans le champ électoral. Et met fin à la supercherie d’un clivage unique entre “progressistes” (Macron) et “nationalistes” (Le Pen) qui servait les deux partis, mais méprisait la réalité politique.

Une alliance de circonstances ?

L’accord s’est construit autour de deux questions : le contenu du programme, et la répartition des circonscriptions.

Du point de vue du programme, c’est une victoire indiscutable de la France Insoumise. Europe-écologie les verts accepte de faire campagne pour le blocage des prix, la hausse des salaires, la retraite à 60 ans, la planification écologique et la désobéissance “sous conditions” aux traités européens, lorsque cela s’avère nécessaire pour appliquer le programme. Il faut écouter le premier secrétaire de EELV, interviewé le lendemain de l’accord, pour mesurer l’avancée des Insoumis.

De même, le PS a accepté l’abrogation de la loi El Khomri, principal marqueur du quinquennat Hollande, et l’abrogation de la loi sur le séparatisme. En clair, les clivages économiques, sociaux et sociétaux sont largement atténués. Encore une fois, écouter Olivier Faure défendre cet accord (sur France Inter) vaut le détour. Une leçon de politique administrée par un premier secrétaire du PS qu’on n’attendait pas aussi pertinent face à des journalistes politiques pris en défaut.

Du point de vue des idées, la France Insoumise a donc largement remporté la bataille, du moins jusqu’au 19 juin.

Restait le problème des investitures. Et c’est là que le bât blesse. L’idée de base est de présenter un seul candidat “NUPES” dans chacune des 577 circonscriptions. Ce qui implique de nombreux désistements, parfois sensibles, de part et d’autre. Et de reconduire les députés sortants, même lorsqu’ils ne sont pas particulièrement favorables à l’accord…

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Pour certains proches de LFI, une condition préliminaire à toute négociation consistait à écarter les responsables qui n’avaient eu de cesse d’attaquer Mélenchon avec des propos très insultants (type “complice de dictateur” et “agent de Poutine”). En théorie, cela disqualifiait Fabien Roussel et surtout les équipes dirigeantes du PS et de EELV. En pratique, si Yannick Jadot et Anne Hidalgo se sont tenus en retrait des pourparlers (ni l’un ni l’autre n’occupent la place de premier secrétaire de leurs partis), personne n’a été exclu de la table de négociation.

L’accord a donc porté sur le nombre de circonscriptions cédées à chaque formation, avec un but clairement assumé : permettre à chaque camp d’obtenir suffisamment de députés pour constituer un groupe à l’assemblée.

EELV a négocié en premier et obtenu pas moins de 100 circonscriptions, dont une grosse trentaine de gagnables. Le PS, bien implanté localement, 70, dont 30 sortants. Le PCF a dû se contenter du minimum syndical : 50 circonscriptions.

Des points de friction restent non résolus. Le PCF n’a pas supporté que LFI conserve la 14e circonscription du Rhône, qu’il considère comme un bastion revenant à la maire communiste locale. De même, les proches d’Hidalgo n’acceptent pas que la 15e circonscription de Paris soit offerte à l’insoumise Danielle Simonet, conseillère municipale très impliquée sur le terrain, aux dépens de la quasi-sortante Lamia El Aaraje. Cette dernière avait gagné la circonscription en 2021 (avant que l’élection soit invalidée pour une raison indépendante de sa volonté). Lionel Jospin, pourtant très favorable à la NUPES, lui a apporté un soutien appuyé. En tout, on compte une douzaine de candidatures dissidentes potentielles.

Enfin, certains cadres du PS, d’EELV et du PCF voient cet accord comme un marchandage électoral leur permettant de sauver leurs partis, mais ne comptent ni aider Mélenchon à faire campagne ni gouverner avec lui. La réalité politique s’imposera peut-être à eux, mais dans les circonstances actuelles, difficile d’espérer mieux...

Notons enfin que tous les participants ne sont pas aussi cyniques. Olivier Faure, en particulier, semblait réellement emballé par cette perspective, et ému par l’accueil qu’il a reçu au meeting de lancement de la NUPES.

L’accord NUPES permet de clarifier la réalité politique et fait tomber de nombreux masques

La NUPES agit comme un puissant révélateur - au sens chimique du terme. Elle expose les postures et véritables intentions de nombreux acteurs. À commencer par “les médias”, qui ont effectué d’impressionnants retournements de veste en quelques jours. Selon eux, avant le premier tour de la présidentielle, la gauche était coupable de sa division chronique. Désormais, la voilà accusée de commettre une Union contre nature, qui “menacerait la république”. Entre les deux tours, Mélenchon était un homme respectable, animé d’un vrai sens des responsabilités (il ne fallait pas froisser son électorat, clé du scrutin). Après la victoire de Macron, Mélenchon est devenu “l’autre Le Pen”, un “ogre” aux “velléités hégémoniques”. Les partis de gauche qui s’allient avec lui “trahissent leurs valeurs” et tournent le dos à la République. Au second tour, il fallait voter Macron pour faire barrage à l’extrême droite. Maintenant qu’il est président, affirmer qu’il a été mal élu ou estimer qu’il n’a pas gagné sur son programme équivaudrait à une remise en cause de la démocratie.

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Caisses de grève @caissesdegreve
La #NUPES : croquemitaine version 2022
8:46 PM ∙ May 13, 2022
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En clair, l’écrasante majorité des médias français sont partisans. Du Monde au Figaro en passant par France Télévision et Valeur Actuelles, la finalité de cette presse n’est pas d’informer objectivement, mais de défendre l’ordre social existant. Certains journalistes, pris de court par la modification du rapport de force à gauche, le font inconsciemment, par mimétisme ou incompétence. Au point d’expliquer que Macron serait le président le mieux élu de la Ve république. D’autres sont dans une démarche purement militante et malhonnête, trahie par une agressivité caricaturale.

Lire : Arrêt sur Image : “Nupes, radiographie d’une panique éditoriale”

Médiapart : Union des gauches le “cercle de la raison” panique

et : Acrimed “Anatomie d’une campagne médiatique contre la gauche” pour des analyses croisées.

Mais c’est encore l’hypocrisie de la classe politique française qui se trouve la plus clairement exposée.

En l’espace d’une semaine, les éléments de langage répétés par les cadres de la macronie ont pivoté de 180 degrés, comme le notait le Huffington Post. Pendant l’entre-deux tour, ils évoquaient “des idées différentes mais des valeurs communes” avec Mélenchon. Désormais, place à un registre fustigeant la nature profondément dangereuse du socle idéologique de la France Insoumise, qui constituerait une menace pour l’État de droit. François Bayrou, qui avait parrainé la candidature de Marine Le Pen au nom de la démocratie, voit dans la NUPES “un grand désespoir” et “une telle injure” qu’il refusait d’y croire. Emmanuel Macron, qui se présentait comme un rempart à l’extrême droite, reprend désormais son vocabulaire pour attaquer la NUPES. Tout en dénigrant la légitimité des élections législatives.

“Ne vous laisser intimider par ceux qui voudraient rejouer aux législatives ce qui a été tranché à la présidentielle” (…) “Un troisième tour, ça n’existe pas” (…) “Vous aurez un projet d’exclusion à l’extrême droite. Et de l’autre côté de l’échiquier, un projet qui choisit le communautarisme.” Emmanuel Macron, devant les candidats En Marche aux législatives, le 10 mai 2022

Plus surprenant, le Rassemblement National est venu au secours de La République en Marche pour appeler à la constitution d’un front républicain contre la NUPES. Marine Le Pen a même dénoncé l’idée d’imposer une cohabitation à Emmanuel Macron, qu’elle juge “contraire aux institutions”. L’extrême droite apparaît ainsi pour ce qu’elle est : la roue de secours du système néolibéral. Ce faisant, elle renonce à faire campagne. Malgré les dettes colossales qui minent le Rassemblement National, Marine Le Pen ne semble pas intéressée par la perspective de gouverner, ou d’obtenir un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Elle se satisfait visiblement d’avoir écrasé Éric Zemmour aux présidentielles, lui qui menaçait la rente politique dont elle jouit en tant qu’héritière du Lepénisme.

Au sein de la gauche modérée, les clarifications sont tout aussi spectaculaires. Les dissidences bruyantes de Fabien Roussel, à peine l’accord conclu, montrent à quel point la direction du PCF ne cherche pas à exercer le pouvoir, mais à préserver sa boutique et sa nouvelle identité bourgeoise/réact.

Chez EELV, le silence assourdissant de Yannick Jadot, qui avait commencé par s’opposer au principe d’une Union avec LFI, s’expliquerait potentiellement par son désir de rejoindre le gouvernement Macron. Trois anciens membres du Parti (Daniel Cohn-Bendit, José Bové, Jean-Paul Besset) ont publié une tribune ultra violente pour dénoncer l’accord NUPES. Présentée comme une trahison des valeurs européennes sur lesquelles s’est construit EELV, l’alliance des verts avec LFI est taxée “d’escroquerie”, “honte” , “renoncement au progrès humain”, “violence politique majeure”, “infamie sans nom” et “sacrifice du principe démocratique”. Le tout en un seul paragraphe de quatre phrases. S’ensuivent des accusations de complicité avec Poutine et de renoncement au projet européen, qui équivaudrait à une “compromission déshonorante”. Il est loin, le José Bové qui démontait des MacDonald et arrachait des OGM en toute illégalité. Désormais, remettre en cause la règle obsolète des 3 % de déficits, comme l’a pourtant fait Emmanuel Macron, équivaudrait à un renoncement au principe démocratique. Si on savait que Cohn-Bendit est, depuis 2017, un pilier de la macronie, on reste médusé par le réflexe bourgeois de ses deux compères.

Au PS, la même divergence européenne est mise en avant par les opposants à l’accord. Le plus bruyant d’entre eux n’est autre que François Hollande. Après avoir accepté de participer à la cérémonie d’investiture d’Emmanuel Macron aux côtés de Nicolas Sarkozy, le héros malgré lui de “Un président ne devrait pas dire ça” s’est étranglé face à la perspective d’un gouvernement Mélenchon :

"Si les programmes sont faits pour être appliqués, ça voudrait dire quoi, dans l'état actuel de la négociation ? Ça voudrait dire que le prochain gouvernement serait amené à mettre en cause les traités européens ? - F. Holldande, au micro de France Info.

Ironiquement, c’est précisément parce qu’il a refusé de remettre en cause les traités européens que François Hollande a trahi ses promesses électorales, au point d’être en incapacité de se représenter. Son obsession à commenter la vie politique sur tous les plateaux télé sera peut être un peu calmée par l’humiliation que lui a infligé Patrick Cohen lors de son passage sur C à vous. Images d’archives à l’appui, le journaliste a démontré que le Parti socialiste s’était opposé aux traités européens dès l’époque de Lionel Jospin, avant de conclure : “non, le PS ne rompt pas avec la tradition socialiste des années 70, oui elle tourne le dos… au quinquennat de Hollande”.

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Pierre Joigneaux @pierr_joigneaux
« Non le PS ne rompt pas avec la tradition socialiste des années 70, oui elle tourne le dos... Au quinquennat de François Hollande ». La tête de François Hollande, détruit en direct par... Patrick Cohen. Savoureux.
9:10 PM ∙ May 9, 2022
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De nombreux cadres de LREM s’étaient également émus de cette alliance, dénonçant un grave renoncement d’EELV et du PS à leurs valeurs européennes. Comme si le gouvernement d’Emmanuel Macron (et de nombreux pays européens) ne désobéissait pas régulièrement aux traités, en particularité sur les aspects budgétaires et les règles liées au respect de la concurrence. Suite au discours de Macron à Strasbourg, où le président a proposé de revoir les traités et de faire une Union européenne à la carte, gageons qu’ils tempéreront leurs critiques…

Si Ségolène Royale, Martine Aubry et Lionel Jospin se sont félicités de l’accord, les autres “éléphants” du PS et actuels grands élus locaux s’y sont opposés frontalement. Comme par hasard, ceux qui n’ont pas grand-chose à espérer de cette alliance historique visent à la saboter. La palme revient à Jean-Christophe Cambadélis, qui se félicitait qu’un “Tout sauf Mélenchon est en train de se construire” afin d’éviter que “la France se transforme en Corée du Nord”. Manuel Valls, investit par Macron pour les législatives, a matraqué “mon adversaire, ce sont les extrêmes, mais c'est le mélenchonisme”. Plutôt Hitler que le Front Populaire, donc.

En 2017, le philosophe et économiste Frédéric Lordon estimait qu’en cas de second tour Le Pen-Mélenchon, un front républicain allant du PS à l’extrême droite se constituerait contre le second. Une idée également évoquée par le politologue Stefano Palombarini, à propos d’un hypothétique second tour Macron-Mélenchon. La NUPES leur donne pratiquement raison.

C’est fou à quel point la perspective de lutter contre le réchauffement climatique et les inégalités sociales effraie la droite française, qui va désormais des dissidents PS jusqu’à Éric Zemmour.

La victoire du bloc de gauche à portée de main

Les législatives sont structurellement défavorables à la gauche de rupture. Son électorat (plus jeune et modeste) vote moins que l’électorat bourgeois et âgé d’Emmanuel Macron. Les législatives sont des élections locales et à deux tours. Il est donc fréquent que des alliances d’entre deux tours débouchent sur un front commun contre la gauche. Pire, le vote Mélenchon, PS, PCF et EELV à la présidentielle se concentre dans des bastions (autour des grandes villes). Ce qui signifie que la NUPES pourrait obtenir quelques dizaines de circonscriptions dès le premier tour, mais être absente du second dans plusieurs centaines d’autres. Ces difficultés géographiques s’ajoutent aux tendances historiques. Depuis l’inversion du calendrier (2002), le vainqueur de la présidentielle bénéficie de la démobilisation de l’électorat de son opposition et d’une période de grâce médiatique, qui débouchent sur une large majorité à l’Assemblée.

Autrement dit, la NUPES part de loin. Les sondages nationaux la placent pourtant en tête, plusieurs points devant LaRem. Certes, les projections en sièges ne sont pas aussi optimistes, mais elles doivent être prises avec des pincettes. En 2017, elles avaient largement sous-estimé les sièges obtenus par les différentes formations de gauche, dans un contexte bien plus défavorable à cette dernière. Si l’union des droites au second tour peut faire des dégâts, le RN et Reconquête (parti d’Éric Zemmour) sont largement démobilisés. La droite LR aura tout intérêt à refuser les alliances aussi souvent et longtemps que possible. Et la campagne ne fait que commencer. L’enjeu principal restera la mobilisation des électorats respectifs. D’où cet acharnement médiatique visant à diaboliser une alliance qui annoncerait “le soleil bolivarien sur une piscine municipale envahie de burkinis”, selon Le Figaro.

Le simple fait d’avoir installé la NUPES comme unique alternative crédible au macronisme permet d’envisager un succès. Il ne faudrait pas sous-estimer le ressenti anti-macron du corps électoral, qui pourrait s’intensifier avec la détérioration de la situation économique (inflation, récession) et faire mentir les projections favorables au Président. Les législatives se gagnent souvent à peu de voix. Une mobilisation inédite reste possible, alors que la diversité de la coalition NUPES rend la diabolisation de Mélenchon moins opérante.

En faisant campagne sur la retraite à 65 ans, Emmanuel Macron a peut-être péché par excès de confiance.


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