Jessica avait 9 ans et faisait ses devoirs dans sa cuisine, lorsqu’elle entend le bipper de son papa sonner à côté d’elle. Afin de le lui amener, elle se précipite joyeusement sur l’appareil . Jessica ne pouvait pas deviner qu’à quelques centaines de kilomètres de là, une organisation terroriste bien connue avait imité la sonnerie, faisant en sorte que l’appareil lui explose au visage en répandant des bouts de cervelles et du sang dans toute la cuisine. Jessica prenait des cours d’anglais et rêvait d’un futur radieux. Elle est morte sur le coup. À travers le pays, une quarantaine de personnes ont péri dans des circonstances similaires, parfois à la suite de blessures graves, provoquant de grandes souffrances. Les autorités sanitaires font état de plus de 4000 blessés, dont de nombreuses femmes, enfants et civils. Les explosions ont eu lieu au cours de deux vagues successives, dans des voitures, des files d’attente aux caisses de supermarchés, des transports en commun, des domiciles, des hôpitaux (le personnel soignant étant particulièrement touché). La population n’osait plus ouvrir ses ordinateurs portables, utiliser ses fours à micro-ondes, téléphoner ou même brancher ses panneaux solaires. La société entière a été traumatisée, en proie à des réactions de terreur paranoïaque.
La presse occidentale a couvert l’évènement comme une remarquable attaque coordonnée, en s’émerveillant de la capacité opératoire et de l’avancée technologique de l’organisation terroriste. Le New York Times a usé de sa tournure passive habituelle pour titrer “une seconde vague d’explosion touche divers appareils électroniques du pays”.
Si aucune indignation réelle, aucune qualification d’acte terroriste ou aucune vraie empathie pour les victimes civiles n’a émergé, c’est parce que le prénom de la fillette de neuf ans n’est pas Jessica, mais Fatima, que l’organisation terroriste mentionnée plus haut est en réalité l’armée israélienne et que la société durablement traumatisée est libanaise, pas occidentale. En France et dans les grands médias, Jean-Miche Apathie a été l’un des rares leaders d’opinion à s’indigner de l’enthousiasme médiatique. Son intervention a été moquée par la seule humoriste de droite officiant sur France Inter, Sophia Aram, qui a pris un malin plaisir à railler son accent.
Certains avancent qu’il s’agissait d’une opération ciblant le Hezbolla. Sauf que cette organisation n’est pas seulement un groupe paramilitaire parfois qualifié de terroriste. C’est aussi un parti et une organisation politique, qui gouverne certaines régions, emploie des fonctionnaires et des civils n’ayant aucun lien avec sa branche armée. Et les attentats n’ont pas uniquement frappé des membres de l’organisation au sens large, ils ont aussi tué et blessé des enfants, des femmes, des civils sans aucun lien avec le Hezbola, des soignants équipés de ces mêmes bippeurs, qui n’étaient donc pas en possession des seuls membres du groupe paramilitaire. Or Israël n’avait aucun moyen de savoir qui serait en possession de ces appareils au moment de leur détonation.
L’ancien directeur de la CIA Leon Panetta, interviewer sur CBS, a qualifié l’opération de terrorisme avant de s’inquiéter de sa portée “quand le terrorisme touche les chaines d’approvisionnement, cela conduit les gens à s’inquiéter, que diable sera la prochaine étape ? (…) si les États ne réagissent pas, notez bien ce que je dis, ce sera le champ de bataille du futur”.
Du reste, cette prouesse technique n’était qu’un avant-gout de la suite. L’armée israélienne procède depuis quelques jours à un bombardement intense et indiscriminé du Liban, qui a provoqué l’exil d’un demi-million de personnes (rapporté à la population française, ce serait six millions), tué plus de 500 personnes et fait plus de cinq mille blessés en 24h et quelque 1200 frappes aériennes. Le nombre de tués par heure dépasse les pires journées de conflit à Gaza ou la guerre de 2006 (lorsqu’Israël avait envahi le Liban) qui avait fait 1200 morts en 31 jours.
La région est au bord du conflit généralisé. Le ministre de la défense israélien a explicité le but de la manœuvre : procéder au nettoyage ethnique du Sud Liban pour établir une zone tampon et permettre le retour des quelques dizaines de milliers d’Israéliens vivant aux abords de la frontière. Ils avaient été déplacés depuis le 7 octobre par crainte des rockettes du Hezbolla, qui ont fait un total de 27 morts depuis cette date (contre plus de 600 morts avant l’attaque du 24 septembre côté Libanais, dont une majorité de civils) .
Sans craindre le ridicule, le gouvernement israélien a justifié ce massacre en expliquant “vous n’avez pas idée de la douleur ressentie par les gens qui se trouvent contraints d’évacuer de force leur maison”. Quant à Netanyahou, il a tranquillement défendu sa décision en indiquant très sérieusement “qu’aucun pays ne peut accepter la menace de bombardements incessants”. Au même moment, le New York Times rapportait un usage inédit des bulldozers en Cisjordanie pour détruire les infrastructures civiles et les commerces palestiniens.
Le tir de rockette du Hezbollah contre Tel-Aviv visait le bâtiment du Mossad. Lorsqu’ils visent les zones civiles, ces tirs constituent des crimes de guerre de même nature que les bombardements israéliens. Mais, comme les attaques des Houtis dans le golfe persique, elles répondent au génocide de Gaza et s’arrêteraient dès qu’un cessez-le-feu serait décrété. Seulement voilà, Israël n’a pas l’intention de cesser les hostilités ni de sauver ses otages. Ses buts sont clairs : la destruction totale de Gaza, la transformation de ce qui restera de Cisjordanie en bande de Gaza bis, et le nettoyage ethnique du Sud Liban.
Au risque d’étonner Jean-Michel Apathie, les Occidentaux ne se contentent pas de laisser faire. Ils continuent de fournir les armes et l’appui économique nécessaire à Israël.
Vers une invasion terrestre du Liban ?
Il n’y a plus aucune limite aux horreurs que peut impunément commettre Israël. Les soldats pris en flagrant délit d’actes de torture et de viol sur les prisonniers palestiniens viennent défendre leurs « exploits » à visage découvert dans les talk-shows de la télévision israélienne. La torture systémique, les massacres quotidiens d’enfants et les meurtres de citoyens américains en Cisjordanie ne provoquent aucune condamnation, aucun émoi, quasiment aucune couverture médiatique ni changement de politique.
Juste après son discours à l’ONU, Netanyahu a ordonné depuis ce même bâtiment sensé défendre la paix un bombardement inédit sur la capitale Libanaise, la première frappe rasant six bâtiments et faisant au moins 300 morts. D’autres bombardements ont ensuite été annoncé, provoquant la panique la plus totale parmi les habitants de la ville.
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Kamala Harris continue de soutenir Israël et de refuser la suspension des livraisons d’armes. Joe Biden continue de regretter les “déplacés et victimes des deux côtés”. Et la presse occidentale continue de s’enthousiasmer devant les massacres commis par Israël.
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Quant au gouvernement français, il livre des armes et continue de commercer avec Israël tout en faisant pression sur la Cour pénale internationale pour éviter l’émission des mandats d’arrêt contre les dirigeants israéliens . Ceux qui osent critiquer cette politique de soutien actif à un génocide sont traités d’antisémites et durement attaqués par la presse et la classe politique.
Mais le dossier israélien n’est pas la seule “dinguerie” du moment.
La France officiellement sous tutelle de l’extrême droite
Toute la séquence politique française récente ressemble à une plaisanterie de mauvais gout. Les législatives anticipées que personne n’avait demandées à Emmanuel Macron ont livré trois enseignements majeurs : le rejet du Président, la victoire absolue du front républicain contre l’extrême droite et la victoire relative du Nouveau Front populaire, arrivé en tête grâce à un programme centré sur l’abrogation de la réforme des retraites, les investissements dans les services publics, la hausse du SMIC et la gratuité de la cantine scolaire. Le tout financé par le rétablissement de l’ISF et la fermeture de certaines niches fiscales profitant aux très grandes entreprises.
Qu’a fait Emmanuel Macron ? Il a nommé un Premier ministre s’étant opposé au Front républicain et l’a contraint de former un gouvernement où figurent tous les courants de la droite LR (arrivée dernière avec 5.4 % des suffrages) plus huit cadres macronistes.
Pour comprendre comment une telle supercherie, qui a profondément choqué la presse internationale, l’ancien conseiller de Sarkozy Henri Guaino et l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin est possible, il faut prendre conscience du niveau de soutien de la classe médiatique. Et pour ce faire, le mieux est d’écouter l’analyse critique des journalistes de Blast, disponible ici :
Depuis, Marine Le Pen a fait la démonstration qu’elle contrôle ce gouvernement en obtenant le “recadrage” du ministre des Finances (élu député grâce au front républicain), qui avait osé déclarer que le RN n’appartenait pas à l’arc républicain. Il a été sommé de présenter ses excuses après le coup de pression de Marine Le Pen qui s’est exprimée devant la presse avant d’être rassurée au téléphone par Michel Barnier.
Du reste, le casting du gouvernement recèle de nombreuses surprises consternantes
Le nouveau ministre de l’intérieur Bruno Retaillau félicité par le RN pour avoir “bien mémorisé notre programme” après avoir livré un discours calqué sur celui de Nicolas Sarkozy lorsqu’il occupait les mêmes fonctions
La nouvelle ministre de la transition énergétique Agnès Panier-Runacher qui déclare qu’il va falloir s’adapter à un monde à 4 degrés (synonyme de zones entières de la planète et de la France devenues inhabitables), assez piquant de la part d’une personne dont la famille possède des participations importantes dans la compagnie pétrolière Perenco.
La nouvelle ministre de l’Éducation nationale, second portefeuille de l’État, qui n’a aucune expérience en matière d’éducation (ancienne expatriée à Singapour, elle donnait pendant des années des cours de cuisine pour femmes de chambre afin que sa communauté d’expats puisse manger des croissants).
La palme de l’absurde revient pourtant au nouveau ministre des Finances : alors que Michel Barnier, le gouverneur de la Banque de France et le président de la Cour des comptes fustigeaient l’état déplorable des comptes publics, en pointant du doigt les cadeaux fiscaux d’Emmanuel Macron aux plus riches, le nouveau locataire de Bercy louait le sérieux et la rigueur de l’action de Bruno Lemaire (en poste depuis 2017).
Cela va peut être sembler inapproprié, mais je ne peux m’empêcher de voire des points communs entre l’impunité et le niveau de cynisme avec lequel opèrent à la fois Emmanuel Macron (en France) et Benjamin Netanyahu (au Moyen-Orient). Dans les deux cas, la complicité des médias et de la classe dirigeante permet un comportement qui ne peut s’expliquer que par une détermination absolue à rester au pouvoir et un fanatisme du “camp” politique qui estime que ce jusque boutisme sert les dessins.
Le dernier point qui mériterait peut-être un article, c’est la “trahison” de François Ruffin. Motivée par une ambition personnelle, elle ferait simplement de la peine si elle ne poussait pas l’élu de la Somme à marquer autant de buts contre son camp. Si le sujet vous intéresse, je vous recommande les articles suivants :