Trump/Musk : peut-on parler de coup d’État ?
En trois semaines et avec l'aide de Musk, Trump s'est engagé dans un démantèlement éclair de l'État fédéral en vue de concentrer les pouvoirs, tout en multipliant les décisions et annonces radicales.
Avec le sommet sur l’IA organisée à Paris, je n’avais pas particulièrement envie d’écrire un article sur les premières semaines du couple Trump/Musk. Le sujet est amplement couvert ailleurs et chaque journée apporte son lot de péripéties et gros titres supplémentaires. Cependant, ce qui se passe me parait à la fois suffisamment significatif et potentiellement confus pour tenter cette prise de recul.
Trump : la prévisible stratégie du choc
Tentative d’intimidation du Groenland et de Panama en vue d’une potentielle annexion, guerre commerciale avec ses principaux alliés et voisins. Assaut frontal contre le climat, l’écologie, la Science, les minorités et les réfugiés. Purges de hauts fonctionnaires coupables de s’être soi-disant opposés à Trump par le passé. Proposition de commettre un crime contre l’humanité à Gaza. Expulsion de sans-papiers vers Guantanamo. Retrait de l’OMS et des accords de Paris... Depuis la prise de fonction de Donald Trump, la pluie de décrets et de déclarations choc a de quoi donner le tournis.
Cela était prévisible et attendu. Toute administration américaine arrivant au pouvoir débute sur les chapeaux de roue, comme le notait Yuval Levin. Près de trois mois séparent l’élection de l’investiture. Cela laisse le temps de planifier les premières semaines en préparant les décrets, les déclarations, les annonces et une stratégie globale. En face, l’opposition apparait désorganisée, minée par ses luttes internes et dépourvue de stratégie. Quelque peu déboussolée, elle se contente de subir. La popularité initiale du président tout juste élu (la “lune de miel”) décourage de nombreux sénateurs de l’attaquer de front, alors que la Maison-Blanche dispose de l’initiative. Dans les mois qui suivent, les choses se décantent. L’opposition se regroupe, les premiers textes de loi débattus au Congrès patinent, le monde et le pays réagissent aux premières impulsions et génèrent de nouveaux problèmes à résoudre. La Maison-Blanche passe progressivement d’un fonctionnement pro-actif à un mode majoritairement réactif.
Du moins, c’est ce qui se passait jusqu’ici. Le second mandat de Donald Trump semble débuter de manière plus chaotique et intense que ceux de ses récents prédécesseurs, lui compris. Le nombre de décrets est bien plus élevé, leur légalité bien plus contestable, le profil de certains ministres confirmés par le Congrès plus polémique. La stratégie de “shock and awe” (choquer et tétaniser) inspirée des premiers jours de l’invasion de l’Irak tout comme l’idée de “couvrir la zone de merde” pour paralyser la presse est assumée. Trump attaque sur tous les fronts et tous les sujets, avec son approche classique de négociateur brutal : proposer une idée inacceptable pour obtenir quelque chose de plus que ce que l’on pensait possible au départ.
Pour ne pas perdre la tête, il est important de se souvenir de quelques règles :
Ce que dit Trump est généralement plus dramatique (plus “impressionnant” ou “alarmant”) que ce qu’il fait.
Ce qu’il fait est parfois très vite stoppé ou défait.
Du reste, la stratégie de Donald Trump et ses grandes orientations étaient connues d’avance, puisqu’elles avaient été détaillées dans un plan de 900 pages (le Projet 2025) écrit par ses anciens conseillers et l’Heritage Foundation, le think tank conservateur financé par le patronat américain le plus réactionnaire. Ce qui est plus surprenant est l’étonnement de certains observateurs et l’impréparation de l’opposition démocrate. Même des figures comme Bernie Sanders et Ro Khanna ont cherché à entrer dans le jeu de Musk en accueillant avec une forme de bienveillance l’annonce de sa nomination au poste de directeur du DOGE (Department of Government Efficiency - ou agence pour l’optimisation de l’efficacité gouvernementale). Les deux élus progressistes lui avaient tendu la main en tentant de retourner l’idée contre Trump, citant les nombreuses opportunités de chasse au gaspillage dans le budget de la Défense. Ce faisant, ils ont contribué à légitimer une agence à la légalité contestée.
De même, la docilité des médias généralistes et pro-démocrates surprend par son ampleur. La couverture de la cérémonie d’investiture était positive ou neutre, aucune mention de la tentative de coup d’État ou des promesses de vengeance contre les “ennemis” de Trump venus l’applaudir poliment n’a entaché le protocole. Les choses ne se sont pas améliorées ensuite. CNN a poussé Jim Acosta, le chef de son service politique, à la démission. Lui qui s’était fait une réputation de bateleur lors du premier mandat de Trump.
Après Facebook, les chaines de télévision généralistes ABC News et CBS sont en passe de signer un accord à l’amiable prévoyant le versement de dommages et intérêts à Donald Trump contre l’abandon des poursuites judiciaires bancales qu’il avait engagées contre eux. Le Washington Post subit la censure pro-Trump de Jeff Bezos, le LA Times cherche à recruter des éditorialistes proches du mouvement conservateur pour “équilibrer sa ligne” et le New York Times enchaine les contorsions sémantiques pour normaliser les outrances de Donald Trump. Dans le journal de référence, on a ainsi pu lire que les “réductions de coût” de Musk étaient “peut-être illégales selon les critiques”, alors que de nombreux conservateurs et républicains pur jus parlaient déjà de crise constitutionnelle. De même, la proposition de nettoyage ethnique de Gaza avec l’aide de l’armée américaine est qualifiée de “transfert de population” dans le cadre d’une “proposition audacieuse” et “susceptible de disrupter le processus diplomatique”.
En parallèle, les géants de la Silicon Valley rivalisent de créativité pour s’attirer les faveurs de la Maison-Blanche, Google allant jusqu’à renommer le golfe du Mexique “Golf of America”.
L’impression d’un coup de force trumpiste s’en trouve décuplée, surtout lorsqu’on ajoute la véritable Blitzkrieg contre le gouvernement fédéral menée par Elon Musk.
Elon Musk : le piratage du gouvernement américain
Le patron de Tesla a obtenu un poste clé dans l’administration en prenant la tête du “DOGE”, une sous-agence gouvernementale rattachée à la Maison-Blanche et chargée de faire la chasse “aux gaspillages d’argent public, aux fraudes et aux régulations inutiles”. Puisque le président ne peut pas créer de nouveaux ministères ou agences fédérales sans un vote du Congrès, Trump a renommé par décret l’agence United States Digital Service (USDS) mise en place par Obama et chargée de coordonner la numérisation des services et administrations fédérales. Ce faisant, Musk échappe au processus contraignant de confirmation par le Sénat (qui nécessite des audiences sous serment en commission, puis un vote des sénateurs), tout en obtenant un droit de regard sur de nombreuses agences et ministères. L’action du DOGE est contestée par de nombreuses plaintes judiciaires, mais n’a pas encore été suspendue par un tribunal, bien que des décisions de justice aient déjà limité certaines de ces prérogatives.
Plutôt que de missionner les fonctionnaires travaillant déjà pour le USDS, Musk a créé sa propre “task force” d’ingénieurs informaticiens. Cette fine équipe d’une douzaine de personnes compte beaucoup de très jeunes couteaux discrètement recrutés par Peter Thiel il y a plus de six mois. Parmi eux, au moins deux programmeurs de moins de 25 ans ayant tenu des propos ouvertement racistes et eugénistes sur les réseaux sociaux. À peine investis de leurs nouveaux pouvoirs, ils se sont introduits dans diverses administrations et ministères, parfois de force, pour siphonner les bases de données et récupérer les accès informatiques. Les hauts fonctionnaires de carrière s’opposant à cette initiative ont reçu des menaces ou simplement été mis à pied en attendant un licenciement. Parmi les premiers départements sensibles touchés, le Trésor public (ministère des Finances) a été ciblé, un des agents de Musk obtenant l’accès au code permettant de valider pour 5000 milliards de dollars de paiement annuels (retraites, sécurité sociale, diverses aides sociales, contrats publics et salaires de fonctionnaires…) et la capacité de modifier le système. D’autres agences importantes ont été ciblées dans les premiers jours, comme le National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA, un institut essentiel pour la science du climat, la protection de l’environnement, la gestion de la pêche, du littoral et la prévention des risques météorologiques), l’Office of Personnel Management (qui gère le personnel des administrations), les branches d’assurance maladie publiques Medicare et Medicaid, le ministère du Travail, la CDC (qui produit les politiques de santé publique liées aux risques épidémiologiques) et la GSA (General Service administration - qui gère les contrats publics).
Cette initiative à la légalité contestée peut être vue comme un simple audit mené par l’exécutif dans ses propres services, en vue de réaliser les coupes budgétaires promises par Donald Trump et Elon Musk au cours de la campagne présidentielle. Pour autant, elle présente de nombreux problèmes.
D’abord, elle a conduit Elon Musk et ses sbires à suspendre de nombreux paiements ou services, ce qui pose une question de constitutionnalité. Ensuite, elle donne à un milliardaire non élu et au pouvoir non confirmé par le Congrès l’accès à d’innombrables données sensibles : le numéro de sécurité sociale et les données fiscales de tous les contribuables et entreprises, les contrats publics (pour lesquels les entreprises de Musk participent ou ont participé à des appels d’offres), des données classées “secret défense” et autres informations privées. En vertu du droit américain, de nombreuses informations sont par ailleurs cloisonnées, c’est-à-dire que le ministère de la Justice (par exemple) n’a pas accès aux données fiscales et financières des Américains. Musk, si.
Cela pose autant la question des conflits d’intérêts, de la sécurité des données ou de la légalité de l’opération. Lorsqu’un allié de Musk a demandé à des employés du DOGE de modifier certains systèmes en vue de favoriser l’installation de logiciels d’IA, un employé lui a correctement signifié que relier certaines bases de données entre elles serait “illégal”, comme l’a montré la bande sonore de la réunion fuitée au média techno-critique 404media. Le lieutenant de Musk répond “on doit quand même tenter d’avancer et on verra jusqu’où on peut aller”. Flirter avec l’illégalité fait partie de la stratégie, comme souvent au sein des start-up de la Silicon Valley.
Le Projet 2025 et Elon Musk : un putsch libertarien pour faire des USA une start-up nation
Au-delà des agissements les plus spectaculaires de Musk, qui continue d’être publiquement soutenu et encouragé par Donald Trump, de nombreuses initiatives concomitantes ont été prises par la Maison-Blanche. Parmi les plus citées dans la presse:
La suspension et la fermeture partielle de l’USAID, le programme d’aide au développement américain (40 milliards de dollars de budget annuel). Un instrument de soft power critiqué aussi bien à droite pour ses dépenses humanitaires qu’à gauche, pour sa dimension impérialiste, néolibérale et anti-démocratique.
La suspension de plus de 8000 pages internet de sites gouvernementaux contenant des termes désormais indésirables (associés aux droits des LGBT, à l’épidémiologie ou à la science climatique) desquels ont été supprimées de nombreuses informations sur la vaccination, le réchauffement climatique, etc.
L’envoi d’un courriel à deux millions de fonctionnaires pour les inciter à démissionner moyennant le versement de 9 mois de salaire. Une initiative temporairement bloquée par un juge fédéral et directement inspirée de la reprise en main de Twitter par Elon Musk.
Le National Labor Relation Board (NLRB - agence chargée de faire respecter le droit syndical) a été rendu inopérant suite au licenciement abusif de l’un de ses directeurs. Amazon en a pris acte en refusant illégalement de reconnaitre la création d’un syndicat dans un de ses supermarchés Whole Food.
Une attaque en règle contre la recherche publique et universitaire, qui inquiète la communauté scientifique. Musk lui-même ne semble pas réaliser qu’il coupe les budgets alloués à la recherche contre le cancer et menace de nombreux emplois en territoire pro-Trump.
Le nouveau directeur du Consumer Financial Protection Bureau (CFPB, chargé de la protection des consommateurs contre les fraudes financières et abus d’organismes de crédit), qui avait été l’auteur d’un des principaux chapitres du “Projet 2025” vient de suspendre le budget de cette agence et mettre un terme à ses activités. Elle avait été créée suite à la crise des subprimes par Elizabeth Warren sous Barack Obama, et empêchait divers abus tout en garantissant l’épargne des contribuables (pour saisir la portée de cette décision, lire ici).
Le DOGE travaille à l’automatisation de nombreux services gouvernementaux à l’aide de modèles d’IA générative tel que Grok, l’agent conversationnel mis au point par X.Ai, société de Musk concurrente de ChatGPT.
Le fil directeur de tous ces assauts contre le gouvernement fédéral est le but partagé par les auteurs du Project 2025 et Elon Musk : démantèler l’État pour privatiser les fonctions essentielles tout en supprimant les régulations. Mais on peut aussi le voir comme le désir, pour les barons de la Tech et certains idéologues, de procéder à une concentration de pouvoir qui va bien au-delà de la présidence Trump.
Musk peut espérer tirer des bénéfices immédiats de cette action. La NLRB enquêtait sur les violations du droit syndical à Tesla. Le CFPB risquait d’empêcher Musk de transformer Twitter en une sorte de banque en ligne. Il aurait également mis fin à une enquête du ministère de la Défense sur des violations supposées du secret défense d’Elon Musk et SpaceX, qui risquait de l’empêcher de continuer de profiter de contrats publics. Or, la NASA, dont la nouvelle priorité est de supprimer les références aux femmes et aux peuples indigènes de ses documents, serait sur le point d’annuler le contrat attribué à Boeing pour la mission Artémis vers la Lune…
Si les coupes budgétaires deviennent effectives, elles pourraient servir à justifier les baisses d’impôts massives sur les multinationales et grandes fortunes sur lesquelles travaille la majorité républicaine au Congrès.
Au minimum, remplacer des fonctionnaires par de l’IA présente des conséquences anthropologiques évidentes : en automatisant des tâches, on limite l’adaptabilité, la versatilité et le champ d’intervention des administrations. Ce qui risque de détériorer la qualité de services publics, tout en appliquant une définition étroite et réductrice à leurs domaines de compétence.
Quoi que l’on pense de la finalité de cette vaste initiative, appelée à s’étendre à l'éducation, le service postal USPS et à l’Agence de protection de l’environnement, l’autre problème lié aux moyens employés tient au fait qu’ils sont très probablement illégaux et anticonstitutionnels.
Vers la fin de la séparation des pouvoirs ?
Seul le congrès dispose du droit d’allouer des fonds et de débloquer de l’argent public. L’exécutif ne peut pas dépenser de l’argent non alloué et a l’obligation de dépenser celui qui l’a été. Ainsi, Trump n’a pas le droit de suspendre l’USAID ni de geler les 5 milliards annuels attribués à l’extension du réseau de chargeurs pour voiture électrique. De même, Trump n’a pas le droit de décider unilatéralement de la suppression d’un ministère ou d’une agence gouvernementale.
D’autres problèmes de légalité se posent face aux nombreuses décisions et décrets pris par la Maison-Blanche. En effet, pour être applicable, un “executive order” (décret présidentiel) doit se limiter à l’interprétation d’une loi existante et dépenser des fonds déjà budgétés par le Congrès. En clair, Trump peut ordonner par décret d’augmenter les expulsions de migrants (en s’appuyant sur la loi existante), mais il ne peut pas obtenir la construction d’un mur à la frontière canadienne (cela nécessite de dépenser des sommes non allouées). Il existe de nombreuses zones grises : un président peut utiliser des fonds déjà budgétés en argumentant qu’il ne fait que changer de méthode pour poursuivre le même objectif. Et les décrets peuvent être écrits de manière à prendre appui sur une loi existante de manière plus ou moins floue.
Ainsi, Obama avait choisi d’interpréter la loi actant la création de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) de manière à ordonner à cette dernière de mettre en place des limites en matière de consommation d’essence des voitures, au nom de la lutte contre la pollution entrainée par l’émission de gaz à effet de serre. En 2023, une décision de la Cour suprême avait invalidé cette régulation, jugeant qu’il s’agissait d’un abus de pouvoir de l’exécutif.
La Cour suprême est connue pour interpréter la loi de manière à servir une idéologie et des intérêts précis. Étant constituée de 6 juges conservateurs (dont trois nommés par Trump) et trois juges progressistes (nommés par Obama et Biden), elle pourrait être plus conciliante avec les abus de pouvoir du couple Musk/Trump qu’elle ne l’était avec Biden et Obama.
Des dizaines d’arrêts pris par des juges fédéraux ont suspendu différents décrets signés par Donald Trump et actions entreprises par Elon Musk. Reste à savoir lesquels seront finalement validés par les tribunaux.
Trump aurait pu demander au Congrès de légiférer pour mettre fin au programme d’aide au développement USAID et supprimer le CFPB. Mais ce processus aurait été plus lent et politiquement risqué. En procédant comme ils le font, les alliés de Trump confirment leur volonté d’aller à la confrontation pour remettre en cause la séparation des pouvoirs.
Le vice-président JD Vance a déjà déclaré que les arrêts de justices étaient illégaux. D’où cette incertitude : que va-t-il se passer si la Maison-Blanche décide d’ignorer les décisions de justice visant à l’empêcher de s’assoir sur l’autorité du Congrès ?
Ce dernier pourrait réagir en destituant Donald Trump. Pour cela, il faudrait que les élus républicains se retournent contre leur propre président. Un scénario inimaginable dans la configuration politique actuelle.
La résistible Blitzkrieg du duo Trump/Musk
Malgré le chaos et la panique engendrés à Washington, l’américain moyen ne semble pas préoccupé outre mesure. Donald Trump jouit d’une popularité historiquement haute (49 % pour, 45 % contre, selon les agrégateurs de sondage). C’est significativement en dessous des autres présidents tout juste élus, mais très au-dessus de son premier mandat.
Musk apparait à la fois comme une vulnérabilité pour Trump, et un paratonnerre. L’homme le plus riche du monde affiche un taux de popularité bien plus bas (39%). Pour autant, les démocrates semblent incapables de produire une opposition efficace. Leur happening devant les bâtiments de l’USAID pour défendre un programme qui “lutte contre la Chine” et “aide les combattants de la liberté à travers le monde” pouvait difficilement être plus déconnecté des préoccupations de l’américain moyen.
De son côté, Musk profite de son accès pour poster sur X (ex-Twitter) des captures d’écran montrant certains programmes financés par l’USAID afin d’attiser la colère des Américains. Que ce soit en citant les aides à la presse de divers pays ou des programmes pro-LGBT. Démagogique, mais redoutable.
Or, parier sur le pouvoir judiciaire pour stopper Trump et Musk semble particulièrement risqué. Les tribunaux opèrent à leur propre rythme, de nombreuses cours d’appel sont acquises à Donald Trump, la Cour suprême elle-même pourrait trancher en sa faveur. Et avant que les décisions soient rendues, de nombreux dégâts peuvent être faits.
Lorsque Trump a suspendu tous les paiements fédéraux, un juge a rapidement bloqué le décret. Les paiements ont repris, mais certaines collectivités locales avaient déjà mis fin à certains services (distribution d’aide alimentaire, aide au handicap, etc.). Les dommages sont parfois irréversibles. Même si l’USAID reprenait son fonctionnement, de nombreux employés ont déjà été licenciés, des programmes arrêtés et des tonnes d’aide humanitaire pourrissent dans des conteneurs.
Pour autant, des mouvements de résistance naissent un peu partout. En Irak, la stratégie de “shock and awe” de l’armée américaine s’était rapidement retournée contre elle. Après les scènes de pillages et de chaos, la société irakienne avait répondu par une résistance armée, avant d’accoucher sur la création d’ISIS. Comme le notait Naomi Klein, autrice de “la stratégie du choc”, l’approche retenue par Trump et ses sbires pourrait se retourner contre eux. Ne serait-ce qu’en mobilisant différentes oppositions, qui étaient jusqu’ici endormies ou démoralisées. Cette dernière commence à se manifester depuis des lieux inattendus.
La presse spécialisée dans la Tech fait un travail remarquable pour dénoncer et documenter les agissements de Musk, en particulier des sites comme 404media et le magazine WIRED, qui croule sous les nouveaux abonnements. Musk lui-même reste vulnérable : sa fortune et son pouvoir découlent essentiellement de Tesla, dont les ventes semblent s’effondrer tandis que le cours de l’action dévisse peu à peu. Posséder une Tesla devient toxique, comme en témoigne la multiplication des actes de vandalisme ciblant cybertrucks et autres véhicules. Et divers fonds d’investissement souverains ont vendu leurs participations dans la firme.
De même, Twitter pourrait devenir de moins en moins central avec le départ de nombreuses institutions et journalistes. Parmi les signaux faibles, on peut également citer la colère de la base démocrate qui s’exprime de plus en plus fermement en direction de ses élus. Tout comme la multiplication des manifestations anti-Trump et anti-DOGE. Or, les actions les plus impopulaires (contre l’éducation publique, la Sécurité sociale…) n’ont pas encore débuté.
Trump reste fragile. Sa coalition présente de nombreuses contradictions. Face à la panique des marchés financiers et la détermination du Mexique et du Canada à répliquer aux droits de douane imposés par Trump, ce dernier a rapidement suspendu sa guerre commerciale “totale”. L’UE pourrait également donner des sueurs froides à Trump si elle répond fermement aux menaces et mesures agressives.
Les différentes décisions prises ou considérées par Trump pourraient isoler les États-Unis, renforcer la Chine et saper l’économie américaine. Si Trump s’entête à mener une guerre commerciale et à expulser des millions de sans-papiers, il risque de provoquer une crise économique et de relancer l’inflation, dans une démarche autodestructrice. Sa décision de supprimer le CFPB est décriée par les banques, ses droits de douanes par les constructeurs automobiles, sa politique d’expulision des sans papiers coute une fortune aux petits commerces et PME et son imprévisibilité inquiète les milieux d’affaires. Le renoncement des USA à de nombreux instruments de pouvoir (l’USAID, le financement de la recherche, la participation à de nombreuses institutions internationales) revient à scier la branche sur laquelle l’Empire américain est assis.
Autrement dit, Trump est loin d’avoir gagné la partie. Beaucoup dépendra des mouvements de résistance et d’opposition, aux États-Unis comme à l’international.
Vous vous contredisez à plusieurs reprises, notamment en nous expliquant longuement que tout ce que le vilain Trump fait était déjà prévu à l'avance et qu'il l'avait longuement annoncé, pour finalement nous asséner qu'il est... imprévisible.
C'est tout de même très étonnant, tous ces bisounours qui crient au coup d'État, alors qu'il a été (massivement) élu sur un programme très clair qu'il ne fait qu'appliquer, contrairement à beaucoup de politiciens. La diabolisation de Musk (tout comme, en général, l'extrêmedroitisation de tous ce qui ne convient pas aux militants de canapé) va dans le même sens, avec désormais l'application du terme “oligarque“, autrefois réservé aux vilains milliardaires russes, à tous les capitaines d'industrie américains qui ne font pas semblant de jouer aux philantropes. Ce dernier terme, est bien sûr réservé aux gentils milliardaires que sont Bill Gates et George Soros, qui ont, eux, infiltré depuis belle lurette les systèmes supranationaux de l'ONU et de l'UE, tout en multipliant les financement de gentilles ONG à l'agenda bien précis...