Législatives : la résistible ascension de l’extrême droite
Contrairement à ce que prévoyait les sondages, le RN n’a pas atteint les 30 %. Et contrairement à ce que disent les médias, l’issue reste incertaine. Analyse.
La bourse de Paris, rassurée par la promesse d’une majorité absolue au RN et la certitude que le Nouveau Front populaire ne sera pas en mesure de constituer un gouvernement, a ouvert en forte hausse lundi matin.
Pour les grands médias, dès 20h dimanche soir, Jordan Bardella avait déjà remporté Matignon. France 2 a filmé la voiture du leader de l’extrême droite avec ses motos, comme lors de l’élection d’un chef d’État. Pourtant, si la progression de l’extrême droite est spectaculaire, son ascension au pouvoir reste évitable.
Les résultats finaux permettent de nuancer le narratif médiatique dominant
Le Rassemblement national termine avec 9.4 millions de voix et 29.2 % des suffrages exprimés (19.0 % des inscrits), devant le Nouveau Front populaire (9.0 millions de voix et 28.0 % des suffrages exprimés).
En ajoutant les voix de « l’union des extrêmes droites » de Ciotti, le score du RN et allié monte à 33.1 % des voix. Au total, le bloc « extrême droite » pèse 33.9 %, le bloc gauche 30.9 % (NFP, extrême gauche et divers gauche), le bloc droite et centre (Marcon et alliés) 22 % et le bloc de droite (LR et divers droite) 10.2 %.
Les sondages ont, une fois de plus, surestimé le vote RN.
Tous les blocs progressent par rapport aux européennes et aux législatives de 2022 en termes de nombre de voix, du fait de la hausse de la participation (+18 %). L’extrême droite avait totalisé 10.6 millions de voix au premier tour de la présidentielle de 2022 et 13.3 millions au second tour, contre 10.9 millions dimanche dernier.
Dans une note très dense, l’IPSOS détaille les raisons du vote des Français. Le pouvoir d’achat est de loin la préoccupation principale des électeurs (59%), mais pas celle des électeurs du RN, qui place l’immigration devant (77%).
L’autre enseignement de cette étude porte sur les motivations du vote RN vs NFP. Dans le premier cas, plus de 9 électeurs sur dix pensaient que la victoire était assurée et la souhaitait, contre 6 sur dix pour le NFP. Autrement dit, le vote RN n’est plus un vote de contestation : c’est un vote d’adhésion, motivé par des raisons racistes et/ou xénophobes avant tout. Une autre enquête récente a établi que 54% des électeurs du RN se considéraient racistes, un chiffre inouï (de nombreuses personnes mues par des préjugés racistes ne se reconnaissantt pas comme telles), tandis que les électeurs de gauche sont les moins « racistes » (5 % chez LFI, électorat le moins touché).
La surmobilisation des électeurs RN (comparés aux autres blocs) explique en grande partie son succès. Et cette surmobilisation s’explique en grande partie du fait que les électeurs croyaient en la victoire (on se demande qui leur a mis cette idée dans la tête, à part les médias et les sondeurs, bien sûr). À l’inverse, le NFP souffre d’un manque de « crédibilité » : la majorité des électeurs jugeait son programme difficilement applicable, les conséquences du programme inquiétantes et ses chances de victoire peu élevées.
Sans trop de surprise, le Nouveau Front populaire fait le plein auprès des jeunes (41 % des suffrages chez les 18-24 ans), le RN auprès des ouvriers et professions intermédiaires et la Macronie recule partout sauf chez les catégories satisfaites de l’action du gouvernement. Mais le RN progresse surtout auprès de l’électorat historique de la droite plutôt que chez les revenus modestes.
Plusieurs scénarios restent possibles pour le second tour
Les projections en sièges sont à prendre avec beaucoup de pincettes. Non seulement les reports de voix sont difficiles à anticiper, mais il en va de même des désistements, des consignes locales de vote et de l’évolution de l’ambiance politique d’ici à dimanche.
Le NFP accède au second tour dans 417 circonscriptions (en plus des 32 députés élus au premier tour).
Le RN et alliés accèdent au second tour dans 447 circonscriptions (en plus des 39 députés élus au premier tour).
Le bloc macroniste accède au second tour dans 306 circonscriptions (en plus des 2 députés élus au premier tour).
Le second tour comptera (avant désistement) 190 duels et 306 triangulaires. Dans 394 circonscriptions, le total NFP + macroniste est supérieur au total extrême droite.
Plusieurs scénarios restent possibles d’ici le second tour. Si les électeurs du RN restent mobilisés et que les autres électorats se tournent vers l’abstention, le résultat le plus plausible verrait une majorité absolue pour le RN, véritable catastrophe tant pour la démocratie que pour les explosions de violences et de racisme que cette perspective entraine déjà dans la société. Elle est accueillie très favorablement par les médias et cercles patronaux, qui voient dans l’extrême droite un moindre mal et une roue de secours, comme en témoigne les prises de position publiques de nombreux responsables et les éditoriaux de certains journaux.
Le second est une majorité relative du RN. Sera-t-elle suffisante pour former un gouvernement avec LR ? Cela dépendra du nombre de députés nécessaire pour faire le pont, en admettant que le RN accepte de gouverner.
Bien que mathématiquement possible, du fait des reports de voix, la majorité (relative ou a fortiori absolue) du NFP semble très peu probable. Dès lors, mettre sur un pied d’égalité le « risque » RN et LFI ou le risque Mélenchon et Bardella (comme le font notamment le Figaro, qui appelle à voter RN implicitement) est absurde (sans même évoquer les différences idéologiques et programmatiques). L’un est aux portes de Matignon, l’autre aux portes d’une scission.
Enfin, l’option d’une absence de majorité reste également possible. Dans ce cas, plusieurs solutions seraient envisageables :
Un gouvernement « technique » composé « d’experts », sans majorité, qui se maintiendrait comme le précédent grâce au refus d’une majorité de députés de le censurer. Solution probablement intenable à terme, mais qui pourrait fonctionner un temps en construisant des alliances et compromis au cas par cas, comme Emmanuel Macron avait refusé de le faire avec le Parlement actuel, ou en continuant de gouverner par 49-3.
Une coalition droite-centre avec des élus Divers gauche, PS et EELV qui rejoindraient une alliance LR/Macron. Configuration peu probable, car difficile d’imaginer des élus PS/EELV rejoindre LR dans une majorité macroniste. Mais l’idée fait son chemin et des négociations seraient en cours.
Une absence de gouvernement. Dans ce cas, Emmanuel Macron pourrait être contraint de démissionner (il ne peut dissoudre l’Assemblée que dans 12 mois).
Dans les médias, la petite musique qui monte désormais est l’idée qu’une France « ingouvernable » serait pire qu’une France aux mains de l’extrême droite. Cela en dit long sur la déchéance intellectuelle et morale de la classe dirigeante, et explique en partie comment on est arrivé au scénario ou un parti qui représente 19 % des électeurs inscrits peut prendre le pouvoir en portant un projet ouvertement raciste.
Les clés du second tour
Que ce soit en 1933 en Allemagne ou dans de très nombreuses démocraties depuis, l’extrême droite n’arrive quasiment jamais au pouvoir seule, mais avec le soutien d’un pan plus ou moins large de la droite traditionnelle.
La composition finale de l’Assemblée nationale, et, par extension, du gouvernement dépend des reports de voix au second tour. Les électeurs de gauche vont-ils voter pour les candidats de la majorité présidentielle lorsqu’ils font face au RN ? De même, les électeurs d’Emmanuel Macron vont-ils plutôt s’abstenir en cas de duel Front populaire vs Front national ? Ou bien vont-ils faire barrage (et contre qui ? LFI ? NFP ? Ou bien RN ?).
Schématiquement, si les désistements ont lieu dans les triangulaires avec le RN et que les consignes de votes sont claires, le RN n’aura pas de majorité (pas même avec LR). Inversement, si aucun désistement n’a lieu, le RN aura une majorité absolue (sans LR).
Dans les faits, à quelques heures de la date butoire, Le Monde rapportait 208 désistements dont 128 issus de la gauche et 75 du camp présidentiel. 104 triangulaires sont toujours prévues (dont 41 avec le RN, 6 candidats NFP ayant refusés de se désister contre 35 de la droite et du centre).
Dans certains cas, l’absence de désistement est une bonne nouvelle pour les candidats NFP, tant le risque de vote barrage contre NFP est grand parmi une frange radicalisée de l’électorat macroniste et LR. C’est ce que disait explicitement le candidat Rennaisance se maintenant face au candidat LFI Louis Boyard dans le Val de Marne.
Les consignes de votes et le comportement des électeurs dont le candidat est battu constituent l’autre facteur important.
En 2017 et 2022, Jean-Luc Mélenchon avait laissé entendre qu’il voterait pour Emmanuel Macron, tout en refusant d’appeler ses électeurs à faire de même. Il avait néanmoins donné une consigne de vote clair « pas une voix pour le RN ». C’était le mieux qu’il pouvait faire compte tenu de son propre électorat. Et les enquêtes lui ont donné raison : les électeurs de LFI avaient majoritairement voté pour Macron, une part moins importante avait voté blanc/nul/abstention. Et une fraction encore plus faible (et bien plus faible que chez les électeurs de LR) avait voté Le Pen. On peut compter de nouveau sur eux pour faire majoritairement barrage à l’extrême droite, d’autant plus que cette fois-ci sa victoire est probable.
L’inconnue vient principalement des électeurs de droite (Macron et LR).
Se désister est une chose, appeler à faire front républicain, une autre. Les deux sont nécessaires pour qu’un vote barrage efficace se mette en place.
De ce point de vue là, l’attitude de François Bayrou, Édouard Philippe et de nombreux députés macronistes est irresponsable. En appelant à faire barrage au RN et à LFI, alors que cette dernière n’aura au mieux qu’une centaine de députés, ils font clairement le choix d’un gouvernement d’extrême droite. Que ce soit par calcul personnel en vue de 2027 ou par proximité idéologique, il s’agit tout simplement d’un choix pour le fascisme.
Le troisième élément, c’est le comportement de l’extrême droite elle-même. Depuis deux semaines, les faits divers sont remplis d’actes et agressions racistes. Jordan Bardella a démontré que son parti restait une formation à l’ADN pétiniste et collaborationniste en se moquant ouvertement de Jean Moulin, le héros de la résistance. Le danger de l’extrême droite finira-t-il par apparaitre évident aux yeux des électeurs de centre droit ? Cela n’en prend pas l’allure, mais sait-on jamais. Face à la pression politique du NFP, le ministre de l’économie Bruno Lemaire a finalement indiqué “qu’aucune voix ne doit aller au RN”, trois jours après Gabriel Attal.
Si les grands médias centristes (France Info, France Inter, France télévision, Le Monde…) continuent de couvrir ces actes racistes, il est possible que les vraies couleurs de l’extrême droite apparaissent au grand jour pour les électeurs qui se sont laissés berner par la dédiabolisation. Et qu’une part suffisante d’entre eux fassent le chemin nécessaire.
À l’inverse, si les médias continuent de matraquer le NFP, de diaboliser LFI, d’accuser Mélenchon de tous les maux et de prétendre que le RN a déjà gagné, le barrage pourrait se retourner contre la gauche.
Nous ne sommes pas impuissants face à cela. Et dans de nombreux cas, le résultat se jouera à quelques centaines voire dizaines de voix.
Comment faire sa part pour empêcher l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir
Ce que nous avions écrit dans notre dernier article s’applique toujours autant. Nous sommes face à un tournant historique qui justifie de faire un peu plus que simplement voter.
Vous pouvez interpeller les élus macronistes pour qu’ils se désistent (jusqu’à mardi soir) et appellent à voter NFP dans les triangulaires où ils sont clairement derrière, et dans les seconds tours où ils sont absents.
Vous pouvez interpeller les personnalités publiques (Jancovici, les influenceurs, sportifs, etc.) pour qu’ils appellent à faire barrage. Cet éditorial du magazine Reporterre est un bon exemple et peu aussi être partagé autour de vous.
Vous pouvez interpeller les journalistes et rédactions pour qu’ils couvrent les crimes racistes qui se multiplient en ce moment et prennent position, comme l’ont fait les journalistes de 20 minutes.
Vous pouvez contacter vos proches et connaissances pour les convaincre de voter NFP ou Macronie en fonction de leur circonscription. Il est essentiel que les électeurs de droite et du centre fassent barrage.
Vous pouvez militer une soirée ou deux d’ici vendredi soir, pour aller faire du porte-à-porte, aller tracter sur les lieux publics ou dans les boites aux lettres. Ce site liste les évènements et contacts par circonscription. Autre option pour contacter les groupes militants près de chez vous ici.
Comment en est-on arrivé là ?
Pour ne pas se faire « avoir » par la rhétorique médiatique dominante, il est bon de rappeler quelques faits et de proposer quelques analyses préliminaires.
Avec le soutien d’un tiers de l’électorat, le RN semble en mesure de gouverner le pays, alors que le Nouveau Front populaire, arrivé 2nd avec 28 % des voix, pourrait obtenir moins de députés que la NUPES en 2022.
Cet état de fait – si les projections hasardeuses se confirment – s’explique par deux facteurs principaux : le mode de scrutin à deux tours, qui permet au RN de bénéficier du report ou de l’abstention du vote de droite et centre droit. Et la répartition géographique des électorats.
Ceux du NFP et en particulier de LFI se concentrent dans les grandes villes et les banlieues défavorisées. Ceci s’explique très bien par le positionnement politique : écologiste, proche des bas revenus, des étudiants et de la classe ouvrière précarisée et défendant une ligne antiraciste qui rencontre un écho dans les quartiers populaires. Ce positionnement électoral est efficace pour les présidentielles (et, dans une moindre mesure, les Européennes) où le scrutin est déterminé par le total de voix à l’échelle nationale. C’est aussi un pari sur l’avenir : la jeunesse politisée peut continuer de voter à gauche en vieillissant et la tendance démographique est plutôt à une augmentation de la part des Français vivant dans les grandes villes et leurs périphéries. Mais elle devient un boulet aux législatives, où les députés sont élus par circonscription.
En particulier pour EELV et LFI, qui parviennent à faire des scores énormes au premier tour dans certaines circonscriptions urbaines, mais ont plus du mal à s’imposer dans les campagnes et sous-préfectures, où la tendance historique est clairement un glissement progressif du vote des classes intermédiaires en faveur du RN.
Du reste, c’est bien Emmanuel Macron qui a précipité ce résultat en dissolvant l’Assemblée au pire moment et en imposant des élections immédiatement, dans les plus courts délais prévus par la Constitution.
Une dissolution motivée par le résultat des Européennes, lui-même permis par la politique d’Emmanuel Macron (réforme des retraites au forcing, loi immigration avec les votes du RN, réforme de l’Assurance chômage contre les syndicats, emploi systématique du vocabulaire de l’extrême droite, complaisance voire prosélytisme avec ces médias…) et sa stratégie cynique consistant à diaboliser LFI et notabiliser le RN pour installer un duel permanent Macronisme contre extrême droite.
Mais la gauche a aussi sa part de responsabilité. Depuis 2022, LFI a parfois adopté une communication facilitant l’entreprise de diabolisation menée conjointement par le pouvoir et le RN (avec le soutien des principaux grands médias). La gauche hors LFI a souvent accompagné cette diabolisation, mais sa faute est surtout d’avoir refusé dès 2022 l’alliance proposée par LFI aux Européennes. Mélenchon avait proposé à EELV de prendre la tête d’une liste NUPES dont les sièges seraient répartis à partir des résultats de 2019 (où LFI avait obtenu un très mauvais score) précisément pour éviter d’offrir une victoire à l’extrême droite.
Tout cela pour dire que l’ascension du RN au pouvoir n’est pas une fatalité, et dépendra largement du second tour. On peut redouter une confirmation de la vague du premier tour, avec les médias qui impriment très largement dans l’opinion publique la notion d’arrivée imminente au pouvoir de Jordan Bardella. L’électorat du RN est particulièrement motivé et convaincu que la victoire est à portée de main, contrairement à l’électorat de gauche qui ne s’est pas autant mobilisé et les électeurs macronistes qui pourraient se démobiliser. L’idée que Mélenchon serait un obstacle au succès de la gauche est également répétée sur toutes les ondes comme un fait établi, et c’est sur ce dernier point que je conclurai cet article.
Mélenchon, un problème ?
L’idée que Mélenchon agit comme un repoussoir et affaiblit le Nouveau Front populaire est avancée par ses détracteurs, y compris à gauche. Ce qui a pour effet de valider l’hypothèse pour beaucoup d’électeurs qui ne s’étaient pas posé la question.
Leur principal argument, au-delà du rejet qu’ils éprouvent pour le personnage et les querelles politiciennes motivées par des ambitions personnelles, provient d’enquêtes d’opinions qui montrent que le chef des insoumis génère un profond rejet auprès d’une majorité de Français. Ce rejet coute-t-il davantage d’électeurs que celui inspiré par François Hollande à gauche, ou l’attrait exercé par Mélenchon sur une partie de son socle électoral (10 % aux Européennes, 22 % aux présidentielles ?). Difficile de le chiffrer. Il faut aussi se poser un instant la question de l’application du programme du NFP en cas de victoire. Pense-t-on sérieusement que des apparatchiks du PS soutenus par Hollande resteront déterminés à indexer les salaires sur l’inflation et à mettre en place une taxe à la source sur les grandes entreprises lorsque les marchés financiers montreront leurs muscles ? Le simple fait que le principal auteur du programme du NFP soit écarté d’office pour l’appliquer n’a de sens que dans un monde parallèle où la politique se réduit à simplement chercher à gagner l’élection.
En admettant que Mélenchon « plombe » la gauche, il faut noter qu’il a eu une attitude à la hauteur des enjeux depuis quelques semaines : après avoir joué un rôle moteur pour la constitution du Nouveau Front populaire (il n’est pas le seul), avoir lâché plus de 100 circonscriptions au PS pour les convaincre de rejoindre l’alliance, refusé les multiples appels à débattre face à Jordan Bardella et Gabriel Attal, refusé d’assumer briguer le poste de Premier ministre (contrairement aux législatives de 2022), s’être félicité de la candidature de François Hollande (qui lui, lui a demandé de « se taire »), il a de nouveau refusé de participer aux débats du second tour (alors que l’hypothèse d’un Premier ministre « NFP » semble considérablement éloignée). Certes, il n’avait pas écarté la possibilité d’occuper Matignon, mais ce discours pouvait aussi bien être interprété comme de la vanité qu’un signal envoyé à ses électeurs pour éviter une démobilisation fatale.
Surtout, dès 20h05, Mélenchon a immédiatement appelé au désistement de tous les candidats NFP (et LFI) qui sont arrivés en 3e position face au RN dans une triangulaire, sans tenter d’obtenir une réciprocité de la part de la droite et du camp présidentiel. Cela nécessite de retirer des candidats face à des personnalités aussi hostiles qu’Elizabeth Borne, qui avait débuté le cycle de diabolisation de LFI dès le mois d’aout 2022 en rejetant cette formation « hors de l’arc républicain », et de nombreux autres candidats ayant clairement appelé à faire barrage à LFI (comme la ministre Aurore Bergé ou le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin).
Le résultat est là : au départ très hostile à l’idée de Front républicain, la macronie s’y est finalement en grande partie raliée, contre l’avis d’Emmanuel Macron. Pas mal pour une personne qu’on accuse d’être un égomaniaque antirépublicain.
Pourtant, quoi que fasse Mélenchon, il est l’objet de l’obsession des médias et de l’acharnement des commentateurs. Quelle était la polémique du lundi matin ? Les innombrables candidats RN ouvertement racistes arrivés en tête ? La douzaine de futurs députés RN corrompus par la Russie ? Le score écrasant du RN dans certains territoires ? L’attitude irresponsable de nombreux dirigeants appelant à ne pas voter pour un candidat LFI ? Non. Le problème venait de Mélenchon, coupable d’avoir pris la parole en premier le dimanche soir, qui plus est flanquée de l’eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan à ses côtés. «Une provocation » pour les journalistes de France Info, qui y voyaient même une tentative de saboter le front républicain en donnant une bonne raison aux électeurs de droite de voter RN.
Autrement dit, l’idée de faire apparaitre à l’écran de télévision une femme arabe lorsque le RN termine en tête des législatives serait irresponsable. Pour combattre le racisme, il faudrait être raciste ? Pardon. Ce qui serait irresponsable, c’est d’invisibiliser toutes les personnes victimes du racisme en punition préventive.
Au final, c’est de la députée écologiste Sandrine Rousseau qu’est venue l’analyse la plus pertinente. « Si ce n’est pas Mélenchon qui est diabolisé, ça sera un autre d’entre nous. Moi, par exemple. En fait, ce que vous ne voulez pas voir, c’est un programme de gauche ». Elle est bien placée pour le savoir, ayant été elle-même victime d’une campagne de diabolisation pour son féminisme assumé lorsqu’elle briguait l’investiture d’EELV aux présidentielles de 2022.
Ce point me paraissait important à décrypter, alors que certains instrumentalisent l’anti-mélenchonisme primaire pour aider le RN (Jordan Bardella le premier…).