Loi immigration : Macron passe à l'extrême droite
La loi immigration voulue par Emmanuel Macron marque un tournant dans la politique française. Désormais, plus rien ne sépare réellement l'extrême droite de la droite et du centre.
Au terme d’un parcours législatif sous haute tension, Emmanuel Macron a réussi à faire adopter sa grande loi immigration annoncée depuis plus d’un an. Loin de l’équilibre promis entre “justice” et “fermeté”, il s’agit d’une véritable liste de Noël pour le Rassemblement national. Face aux caméras de télévision, quelques minutes après avoir annoncé que ses 88 députés voteraient en faveur du texte, Marine Le Pen se délectait des questions des journalistes en manquant à plusieurs reprises de s’écrouler par terre de rire. Un cadre du RN concédera quelques jours plus tard :
“Jamais je n’aurais cru qu’ils avaleraient autant de couleuvres, alors que dix jours avant ils avaient détricoté tout le texte du Sénat, arguments à l’appui”.
Le texte est si dur et à sens unique qu’une trentaine de députés de la majorité ont voté contre, alors que le gouvernement reconnaissait qu’une partie des articles étaient certainement anticonstitutionnels. Non seulement la Macronie a fait adopter des pans entiers du programme du RN et d’Éric Zemmour avec les voix de l’extrême droite, mais le gouvernement a également justifié le texte en adoptant la rhétorique de l’extrême droite, celle qui qualifie l’immigration de “problème”, fait l’amalgame entre immigration et insécurité et promeut “la préférence nationale” aux aides sociales pour empêcher tout “appel d’air” censé encourager l’immigration. Comment Emmanuel Macron, présenté comme un rempart à l’extrême droite, lui a-t-il offert une telle victoire idéologique et politique ? Quelles sont les conséquences concrètes de ce séisme politicien ? Faisons le point.
1) Du pragmatisme au populisme d’extrême droite : retour sur le parcours législatif
Le texte original devait faire “l’équilibre” entre des mesures de fermeté censées rendre la France moins attractive aux migrants et celles permettant de régulariser les sans-papiers dans les “métiers en tensions”. C’est-à-dire ceux des emplois que plus personne ne veut occuper, du fait des salaires et conditions de travail misérables. Compte tenu de la configuration de l’Assemblée nationale, ce numéro d’équilibriste s’annonçait particulièrement périlleux.
Pour la gauche, l’esprit du projet de loi était inacceptable. Lancer un débat sur l’immigration en pleine crise sociale, géopolitique et climatique, alors qu’aucune tension migratoire particulière ne justifiait de légiférer dans l’urgence, présentait de faux airs de diversion sous couvert d’appel du pied à l’électorat du RN. Débattre de la 30e loi immigration en quarante ans, dans un contexte politique marqué par une poussée de l’extrême droite en Europe et en France, où les milices fascistes organisent fréquemment des ratonnades dans de nombreuses villes, paraissait inacceptable. Au-delà du timing et de la priorité, la représentation de l’immigration comme un problème qu’il faut résoudre en rendant la vie des sans-papiers et demandeurs d’asile impossible, sauf lorsqu’il s’agit de fournir des travailleurs corvéables aux capitalistes, ne pouvait que susciter l’indignation des forces de gauche.
Pour le RN et LR, le texte initial était trop laxiste. Régulariser sous certaines conditions les sans-papiers travaillant et payant leurs impôts depuis des années constituait une ligne rouge. Et tenter de durcir le texte constituait une opportunité trop belle pour être gâchée.
Au Sénat, Les Républicains ont fait adopter leur propre version du projet de loi en piochant dans le programme de Jean-Marie Le Pen et d'Éric Zemmour un tas de mesures qui paraissaient il y a encore peu de temps aussi inutilement cruelles qu’absurdes. En tête desquelles figure la suppression de l’Aide Médicale d’Urgence, qui coûte un milliard d’euros par an à l’État (moitié moins que les dépenses en cabinets de conseils privés du gouvernement Macron) et permet de soigner les sans-papiers et demandeurs d’asile. En plus d’être cruel, ne pas traiter ces réfugiés présente de nombreux risques sanitaires (type épidémies) pour la population française, tout en encourageant la délinquance et la radicalisation.
En commission, L’Assemblée nationale a logiquement repris le travail à zéro, défaisant une à une les mesures votées par le Sénat pour revenir au texte souhaité par Gérald Darmanin et l’Élysée. Il devait être ensuite débattu à l’Assemblée nationale. Devait, car comme c’est souvent l’usage, un groupe d’opposition (Les écologistes ici) a déposé une motion de rejet. En cas de vote favorable, le texte serait purement et simplement rejeté par l’Assemblée et aucun débat ou vote n’aurait lieu lors de la première lecture.
Premier coup de théâtre : la motion de rejet est votée par l’Assemblée
La gauche était totalement dans son rôle, n’en déplaise à certains. Lorsque vous êtes contre un projet de loi, le minimum syndical est de voter contre, si possible avant que les deux semaines de débats saturent l’espace médiatique d’arguments nauséabonds favorisant vos adversaires. Du reste, avec ces 151 députés, les partis de gauche n’avaient pas de quoi battre le gouvernement.
Sauf qu’une grosse partie des députés LR et les 88 députés RN ont également voté pour la motion déposée par les écologistes. Pas pour les mêmes raisons, mais essentiellement pour deux objectifs complémentaires : marquer leur opposition au texte de Darmanin, jugé trop “laxiste”, et se débarrasser de ce candidat sérieux à la présidentielle de 2027 en lui infligeant une défaite cinglante.
Emmanuel Macron ne disposant pas d’une majorité absolue à l’Assemblée, la motion a été votée.
2ème coup de théâtre : le RN soutient le compromis issu de la Commission Mixte Paritaire
À ce stade, un gouvernement respectueux des institutions aurait probablement retiré son texte. D’ailleurs, Gérald Darmanin a immédiatement proposé sa démission à Emmanuel Macron. Mais ce dernier n’est pas homme à s’embarrasser de l’esprit de la Constitution, comme le passage en force de la réforme des retraites, le record de 49.3 ou les massacres de gilets jaunes nous l’avaient déjà appris. Il a choisi d’ignorer le vote du Parlement et d’envoyer le texte en Commission Mixte Paritaire (CMP).
C’est, théoriquement, la dernière étape du chemin législatif avant l’adoption (ou non) du texte par l’Assemblée. La CMP est mixte au sens où elle est constituée de députés et de sénateurs issus des diverses tendances politiques représentées, et paritaire au sens ou elle comporte autant de sénateurs que de députés. Majoritaire au Sénat, la droite LR s’est retrouvée en majorité en CMP.
Il y avait alors deux scénarios possibles : soit LR et la Macronie trouvaient un compromis, ce qui aboutirait à une CMP “conclusive” et au renvoi du texte issu de la CMP à l’Assemblée et au Sénat pour son adoption finale. Soit LR refusait un accord avec la Macronie et la CMP serait “inconclusive”. Dans ce cas, le gouvernement pourrait soumettre de nouveau son propre texte à l’Assemblée nationale, pour un examen final.
LR a choisi de jouer le jeu, tout en ne concédant pratiquement rien à la Macronie. Cette dernière a cédé sur un nombre invraisemblable d’articles, au point d’aboutir à un texte ressemblant très fortement à celui adopté par le Sénat. La principale concession faite par LR fut l’ajournement de la suppression de l’AME, contre la promesse d’Elizabeth Borne qu’un autre projet de loi viserait à réformer cette aide critique pour la santé publique. Marine Le Pen a alors annoncé que son parti soutiendrait le texte issu de la CMP, y voyant une victoire idéologique et aucune raison majeure de voter contre (le projet de régularisation des sans-papiers ayant été vidée de sa substance).
Pour la Macronie, ce nouveau coup de théâtre faisait planer une ultime menace : celle d’un rejet du texte par sa propre majorité. Voter une loi sur l’immigration plébiscitée par le RN grâce à ses voix, cela ferait tache. De nombreux députés ont demandé à Macron de renoncer au texte. Pas moins de sept ministres ont menacé de démissionner (deux le feront : le ministre de la Santé partira en froid, le ministre de l’Enseignement supérieur se verra refuser sa démission). François Bayrou, le chef du Modem, a annoncé que son parti voterait contre. Les choses s’annonçaient compliquées pour Macron, les commentateurs estimant qu’il devait choisir entre l’implosion de sa majorité en faisant passer le texte avec la droite et l’extrême droite, ou retirer le texte et perdre la face.
3ème coup de théâtre : Macron fait voter le texte en se défaussant sur le Conseil constitutionnel
Comme aux moments les plus tendus de la réforme des retraites, Emmanuel Macron se trouvait en position idéale pour arrêter les dégâts, prendre de la hauteur et protéger les institutions. Chacun sait que le projet de loi n’est ni urgent ni ne permettra de réguler les flux migratoires. Marine Le Pen elle-même a parlé de petit pas insuffisant. En retirant le texte, le président maintenait une distinction entre sa politique et celle de l’extrême droite, entretenait le récit du camp de la raison et du barrage aux extrêmes et se débarrassait de Gérald Darmanin, ministre ambitieux qui avait directement remis en cause son autorité après le dernier remaniement ministériel.
Macron préfère foncer. Il refuse la démission de Darmanin, s’implique personnellement dans la recherche d’un compromis avec LR puis reçoit Bayrou pour trouver une voie de passage. L’idée qui émerge, s’inspirant de ce qu’avait fait Pierre Mendès France en 1954 en refusant de compter les voix du PCF pour l’adoption d’un projet de loi, est le suivant : Macron s’engage devant ses parlementaires à ne promulguer le texte que s’il passe sans les voix du RN. Il promet également de saisir lui-même le Conseil constitutionnel pour faire tomber les articles du texte les plus problématiques. Les ministres du gouvernement, Darmanin en tête, se retrouvent à défendre le texte au Parlement tout en reconnaissant que certains articles sont “probablement contraire à la constitution”. Cette manœuvre donne une couverture acceptable à une partie des élus macronistes se définissant comme “de l’aile gauche de la majorité” ainsi que de nombreux élus du Modem.
Le subterfuge ne change pourtant rien à la réalité du texte, qui est finalement adopté 349 voix à 186 à l’Assemblée. 27 députés de la majorité ont voté contre, 32 se sont abstenus, mais 189 votes pour. Si le RN s’était abstenu, la loi passait également. S’il avait voté contre, le texte ne passait pas. Bien qu’on peut certainement considérer que les voix du RN ont été nécessaires à son adoption, le texte sera promulgué.
Dans une démocratie fonctionnelle, nous aurions assisté à un véritable séisme politique : le président élu deux fois avec les voix de la gauche contre l’extrême droite fait passer une loi sur l’immigration présentée comme largement anticonstitutionnelle, reprenant le programme de Le Pen et justifiée à l’aide de ses arguments. La presse aurait suivi les condamnations de la loi et appels à voter contre le texte formulés par les universités, des milliers de médecins, les grandes écoles de commerce, l’influant groupe militant “Jeunes avec Macron”, les ONG et le comité éditorial du journal macroniste Le Monde. Elle aurait martelé l’opposition du MEDEF au principe même de restriction de l’immigration, formulée par son président dans les dernières heures avant le vote. Macron aurait été repeint en dirigeant d’extrême droite menant une politique pire que la néofasciste Meloni en Italie (qui vient d’annoncer l’octroi de 450 000 permis de séjour pour des travailleurs migrants).
“Pour faire voter à tout prix son projet, l’exécutif a multiplié les concessions à la droite, aboutissant à un texte dont certaines mesures, dignes d’un tract du Rassemblement national, mettent en cause des principes républicains fondamentaux comme l’égalité des droits sociaux et le droit du sol.” - Éditorial du journal Le Monde, le 20 décembre 2024.
Au lieu de cela, Macron s’est payé un passage télévisé de deux heures dans une émission de divertissement du service public (C à vous) où il a allumé un contre-feu évident en prenant la défense de Gérard Depardieu, accusé de viol et agressions sexuelles par de multiples femmes et dont les propos pédophiles ont récemment émergé dans un reportage de… France Télevision.
Reste le fond du message présidentiel : Emmanuel Macron a justifié sa loi en reprenant les thèses du RN sur l’insécurité provoquée par l’immigration avant d'affirmer qu’en s’attaquant au “problème”, il luttait contre l’extrême droite. L’idée qu’appliquer le programme de l’extrême droite permet de l'affaiblir n'est pas uniquement absurde du point de vue des effets (à quoi bon affaiblir un camp politique si son programme est appliqué ?), mais du point de vue de la stratégie électorale, cette idée a été systématiquement contredite dans les faits. Jacques Chirac l'avait parfaitement résumé par sa formule “l’électeur préfère toujours l’original à la copie”.
2) Les conséquences d’un vote xénophobe
Dans un premier temps, les départements gouvernés par la gauche ne vont pas appliquer le texte. Le Conseil constitutionnel fera probablement tomber les articles les plus problématiques et Emmanuel Macron va continuer de gouverner peu ou prou avec les mêmes ministres et la même majorité relative. La presse va achever d’ancrer le récit gouvernemental selon lequel le texte est passé sans les voix du RN, lutterait contre l’immigration et aurait été moins problématique si la gauche n’avait pas fait tomber la première version du projet de loi. Le remaniement ministériel achèvera de mettre la poussière sous le tapis en provoquant, avec le choix du jeune Gabriel Attal, l’illusion d’un revirement censé faire oublier le basculement.
Tout ceci est absurde. La loi immigration est d’extrême droite parce que le président l’a souhaité ainsi. Le RN aurait pu faire tomber le texte final, mais a choisi très logiquement de le soutenir. Loin de le combattre, le vote achève l’entreprise parfaitement évitable de normalisation du RN. Puisque ses idées peuvent être défendues par Emmanuel Macron, c’est qu’elles ne seraient pas “extrêmes”.
Politiquement, on assiste ainsi à une grande clarification. Il n’y a plus de différence objective entre Macron et le RN. C’était déjà évident pour ceux qui suivaient l’actualité politique sans œillères (comme en témoigne cet inventaire non exhaustif des décisions politiques dignes d’un régime autoritaire d’extrême droite prises par Emmanuel Macron), ça le devient également pour ceux qui persistaient à voir dans le président un rempart à l’extrême droite. On ne peut plus parler de différence de nature, mais d’alliance objective (comme nous l’expliquions ici) ou de continuum idéologique.
Pour comprendre et analyser l’actualité politique française, il faut partir du principe que l’extrême-droite est au pouvoir. Tout s’éclaire alors.
La première grande conséquence de ce qui ne sera un tournant que pour les observateurs malhonnêtes ou citoyens mal informés est la disparition du vote barrage contre l’extrême droite. En conséquence, il sera de plus en plus difficile de faire voter des électeurs de gauche pour un candidat issu de la droite “macroniste” contre un candidat lepéniste. De même, loin du “ni-ni” de l’ère Sarkozy, les électeurs LR et de droite voteront encore plus facilement pour l’extrême droite en cas de duel avec la gauche, puisque cette dernière se voit incluse dans “l’arc républicain”. Le vote barrage se fera désormais contre la gauche, avec tout ce que cela implique.
La seconde conséquence est un affaiblissement toujours plus spectaculaire des institutions. Le parlement est une nouvelle fois malmené par l’exécutif, mais plus frappant encore est le mépris affiché pour le Conseil constitutionnel. Après l’avoir traité comme une simple chambre d’enregistrement lors du passage de la réforme des retraites (le gouvernement avait quasiment écrit le verdict pour les “sages”, y compris le rejet du référendum d’initiative partagé), Macron s’est cette fois-ci défaussé sur l’institution pour faire passer sa loi. En faisant voter sciemment des articles contraires à la constitution, il justifie a posteriori les attaques de LR, du RN et Zemmour contre la constitution qui empêcherait de lutter contre l’immigration.
La troisième grande conséquence est une loi catastrophique à tous égards. Le fait que les ONG, le MEDEF, les universités, écoles de commerces et les “jeunes avec Macron” s’y soient opposés devrait suffire à donner le vertige, mais il faut creuser les différents articles et l’idéologie qu’ils impliquent pour réaliser l’ampleur du basculement.
Tout est fait pour décourager l’immigration légale, faciliter les expulsions et rendre la vie des immigrants impossible, dans l’idée que la dégradation des conditions d’accueil découragera les gens qui quittent des pays en proie à la guerre et la famine à venir en France. Cette logique repose sur des préjugés issus de l'extrême droite et contredits par les faits : la France est déjà un des pays les moins attractifs d’Europe pour les migrants (y compris issus d’Afrique), les migrants rapportent à la sécurité sociale française et à l’économie (ils sont contributeurs nets) et les étudiants étrangers qui viennent se former en France contribuent ensuite à la marche du pays ou à son rayonnement dans leurs nations d’origine.
Parmi les mesures les plus cruelles, on retrouve l’augmentation des frais de scolarité et l’imposition de cautions aux étudiants étrangers qui risquent de tarir le flux de cerveaux venant se former en France et affaiblir le formidable outil de soft power qu’est la francophonie à l’étranger. La facilitation des expulsions du territoire en est une autre, alors que la Cour des comptes vient de rendre un rapport soulignant l’échec de cette politique (prolongée par la nouvelle loi) visant à multiplier les OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) extrêmement coûteuse pour le contribuable et rarement exécutables. Mais le pire reste peut être la fin du droit à l’hébergement d’urgence pour les immigrés en attentes de régularisation (qui vont se retrouver dans la rue avec tout les problèmes que cela représente, y compris du point de vue des citoyens français) et la suppression des aides sociales pour d’innombrables immigrés (et futurs immigrés) présents légalement sur le territoire.
Non seulement, en s’attaquant à l’universalité de ces droits, on risque d’ouvrir une brèche pour ensuite ôter ces droits à de nombreux français (type allocations familiales ou aides au logement), mais on va également créer de la misère en pagaille, empêchant ainsi l’intégration des immigrés déjà sur le territoire au risque de fabriquer une usine à délinquance et radicalisation. Et cette loi n’est qu’un trentième pas vers le même abîme, l’ancien premier ministre Édouard Philippe proposant désormais de créer un “statut spécial” pour les musulmans.
Pourquoi Macron et sa majorité déroulent-ils le tapis rouge à l’extrême-droite
Si une chose a certainement frappé les observateurs et commentateurs politiques pendant le processus législatif, c’est bien la précipitation d’Emmanuel Macron et de son gouvernement pour faire voter cette loi. La Commission Mixte Paritaire a travaillé d’arrache-pied, ne prenant quasiment aucune pause, pour tomber d’accord au plus vite sur un texte. Les articles ont été validés sans être réellement débattus, à une vitesse folle. Selon des propos rapportés par la presse, Emmanuel Macron aurait martelé à ses parlementaires conduisant la CMP “faites comme vous voulez, mais je veux me débarrasser de ce texte avant les fêtes de Noël”. Autrement dit, acceptez n’importe quoi tant que le projet de loi est adopté.
Cet empressement témoigne du manque d’égards de la majorité présidentielle pour le contenu du texte (seul le voter avec le RN posait problème, et uniquement à une minorité d’entre eux). Une lecture généreuse, relayée par le journal Le Monde, suggérerait que cette compromission idéologique serait liée à la précipitation d’un gouvernement qui se serait en quelque sorte piégé tout seul. On peut, à l’inverse, choisir de prendre Macron au mot et considérer que le contenu (ou du moins l’esprit) du texte lui convient largement, que l’important pour lui était d’obtenir une victoire législative tout autant par fierté que pour “lutter contre l’extrême droite” en donnant l’impression de faire quelque chose contre l’immigration.
Mais cela nécessite alors d’admettre que Macron (et ses soutiens politiques) partage amplement les idées de l’extrême droite. Ce qui, pour la majorité des médias et journalistes politiques du pays, représente une forme de saut dans l’inconnu ou provoque des bugs techniques dans leurs grilles d’analyses.
En réalité, comme le rappelait le journaliste d’investigation Marc Endeweld, auteur de trois livres fouillés sur le président, Emmanuel Macron a toujours été un réactionnaire. C’est bien lui qui était allé au Puit du Fou en 2016 déclarer “Je ne suis pas socialiste” et courtiser le soutien politique de Philippe De Villiers, figure importante de l’extrême droite française. C’est lui qui a voulu réhabiliter Pétain, demande conseil à Éric Zemmour sur l’immigration, est obsédé par la thèse raciste du “grand remplacement” et a mis dans le débat public l’expression issue de l’extrême droite “ensauvagement”.
Si les principaux médias ne considèrent pas Macron comme un extrémiste autoritaire, c’est en partie du fait qu’ils sont eux aussi contaminés par l’idéologie d’extrême droite. Quelques semaines avant l’examen de la loi immigration à l’Assemblée, France 2 avait organisé une grande émission politique en prime time sur ce thème, choisissant un cadrage digne d’un média d’extrême droite déterminé à faire le SAV du gouvernement.
En d’autres termes, ce n’est pas uniquement Emmanuel Macron qui a basculé à l’extrême droite, mais l’essentielle de la classe dirigeante française qui a, depuis longtemps, intégré ces thèses et l’idée qu’elle est destinée à incarner l’alternance à la place d’une gauche authentique. Gauche dont les propositions redistributives menaceraient les intérêts de la classe dirigeante.
Mais non, Roland ce billet n'est pas trop long, tout dépend de la qualité des propos, et là il n'y a pas un mot de trop.
Merci pour cette analyse !
Trop long, ton billet. Personne ne lit plus des textes aussi longs. C'est pas fait pour le format d'un blog en tous cas .