Plutôt Hitler ou le Nouveau Front Populaire ? Le point sur les législatives.
En dissolvant l'Assemblée, Macron parie sur le RN pour se remettre au centre du jeu, au risque de lui offrir le pouvoir. L'union des gauches pourrait faire échec à ce coup de poker... ou imploser.
Nous y sommes. L’extrême droite aux portes du pouvoir. Les chaines de télévision salivent, Radio-France licencie son humoriste phare comme par anticipation, et Emmanuel Macron assume cette précipitation insensée. Son Premier ministre n’était pas au courant, ses députés tétanisés refusent de mettre la moindre référence au président sur leurs affiches de campagne et critiquent ouvertement sa décision, tant leur sidération est à la hauteur du rejet qu’inspire Emmanuel Macron.
Le bruit des bottes est assourdissant. Marion Maréchal Le Pen tente de nouer une alliance entre Éric Zemmour et sa tante. Cette dernière refuse, par crainte de diaboliser son parti au moment où Emmanuel Macron lui offre Matignon sur un plateau. De retour au siège de “Reconquête”, Maréchal fulmine. “Eh bien casse-toi”, lui répond Éric Zemmour. Il l’exclut de son parti avec les deux transfuges du RN, Nicolas Bay et Guillaume Peltier. L’union des extrêmes droites n’aura pas lieu ?
Après avoir tenté d’obtenir un ministère auprès d’Emmanuel Macron, le président des Républicains Éric Ciotti orchestre avec le magnat de la presse Vincent Bolloré un putsch visant à imposer une alliance LR-RN. Le Figaro, propriété de la famille Dassault, pousse en faveur de cette alliance. Le parti de De Gaulle et Chirac dissous dans celui de Jean-Marie Le Pen ? Les cadres LR refusent et convoquent un bureau politique pour destituer Ciotti. Ce dernier se barricade au siège du Parti, récupère les codes d’accès du compte Twitter et pond un communiqué signé Les républicains pour monter les militants contre les élus. Les cadres menacent de sortir le zadiste par la force. Cela ne sera pas nécessaire. Quelques heures plus tard, la vice-présidente débarque avec son double des clés devant les caméras de télévision médusées. Mais la justice donnera raison à Ciotti en invalidant son exclusion du parti. Et 62 candidats sont investis sous la bannière LR-RN, surtout des personnalités aux parcours entachés par leurs ambiguïtés avec le racisme et leurs ennuis avec la justice.
Pendant que la droite se donnait en spectacle, la gauche construisait un “nouveau front populaire” de la dernière chance. Pas uniquement pour empêcher l’extrême droite de gouverner le pays, mais pour tenter de saisir une opportunité inespérée de “changer la vie des gens” en engageant un programme de rupture avec le libéralisme autoritaire porté par le RN et le macronisme. Glucksmann, qui se voyait en nouveau leader d’une gauche recentrée à droite, multiplie les tentatives pour faire imploser l’union. Cette dernière semble se faire malgré tout. Jusqu’à la publication des investitures : François Hollande et l’ancien ministre de la Santé de Macron sont investis par le PS, pendant que Mélenchon remet brutalement de l’ordre en interne. Ruffin fulmine et semble rompre définitivement avec LFI. Le Nouveau Front Populaire (NFP) survivra-t-il à cette gabegie ? Une chose est évidente : au milieu de la confusion générale provoquée par la dissolution de l’Assemblée nationale, nous assistons à une période de grande clarification, où les opportunismes les plus honteux côtoient les prises de position éclairantes et les pires compromissions.
“Il y a des décennies où rien ne se passe; et il y a des semaines où des décennies se produisent.” - Vladimir Lénine
Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il dissous l’Assemblée, comment les gauches tentent de s’unir, la victoire de Marine Le Pen est-elle inéluctable, Macron sera-t-il contraint de démissionner ? Le Nouveau Front Populaire sera-t-il capable de former un gouvernement en cas de victoire ? Je vous propose d’analyser tout cela posément, sources et documentation à l’appui.
Si vous n’avez pas suivi l’actualité heure par heure ou si vous vous sentez quelque peu déboussolé par la situation, cet article devrait vous aider. N’hésitez pas à en partager des parties ou la totalité autour de vous.
1) Pourquoi Macron a dissous l’Assemblée
Avant de décrypter la tactique présidentielle et les réactions à droite comme à gauche, une prise de hauteur parait nécessaire.
On ne peut comprendre la période actuelle qu’en mobilisant une analyse de classe. Selon l’économiste Stefano Palombarini et l’historien spécialiste du nazisme Johan Chaputot (entre autres), nous assistons à une radicalisation du Capital et de la bourgeoisie. Cette dernière est prête à accompagner l'arrivée au pouvoir d’un parti fondé par des Waffen SS et un tortionnaire pétiniste. L’histoire se répète : “plutôt Hitler que le Front populaire”.
Pour le journaliste économique Romaric Godin, qui s’appuie sur les analyses des économistes hétérodoxes, cette radicalisation de la bourgeoisie s’explique avant tout par la crise du capitalisme : le taux de productivité stagne depuis des années. Afin de maintenir le taux de profit, la classe dirigeante n’envisage qu’une seule option : la compression des salaires. François Hollande a perdu le pouvoir après avoir engagé la réforme du marché du travail. Emmanuel Macron poursuit cet effort avec les multiples coups portés à l’assurance chômage (le but étant de contraindre les chômeurs à accepter n’importe quel emploi mal payé, tout en disciplinant les salariés par la peur du chômage). En parallèle, les baisses d’impôts pour les grandes fortunes et les subventions aux grandes entreprises sont financées par les coupes dans les services publics, la Sécurité sociale et les retraites. Et un creusement inédit de la dette publique, dont le remboursement permet de justifier la destruction des services publics et la suppression des lits d’hôpitaux.
Les Français refusent largement ces réformes. Leurs effets poussent des millions d’électeurs vers l’extrême droite. Pour les imposer, la classe dirigeante devient de plus en plus autoritaire et prend appui sur le RN. Ce dernier permet de maintenir le gouvernement au pouvoir et de mettre en avant des thèmes et boucs émissaires (l’insécurité, l’immigré) permettant de reléguer au second plan les questions économiques et sociales. Puisque taxer les riches est exclu, le RN propose de payer ses mesures sociales en s’en prenant aux immigrés et en vendant l’audiovisuel public à Vincent Bolloré. Et comme le compte n’y est pas, Bardella annonce déjà renoncer à sa mesure phare de baisse de la TVA sur les produits de première nécessité. Du point de vue du grand patronat, la victoire du RN n’est pas une catastrophe, mais un joker ou une étape nécessaire au maintien du système.
En effet, le RN défend les intérêts de la classe dominante, du CAC40 et des grandes fortunes. On le voit dans ses votes à l’Assemblée nationale. Mais également dans son choix d’abandonner sa promesse de revenir sur la réforme des retraites, de refuser d’envisager une hausse du SMIC, dans son opposition viscérale au syndicalisme ou encore son refus de voter contre l’accord de libre-échange CETA au parlement européen. Et cela s’observe également dans la composition de son électorat. Le vote Zemmour était le plus bourgeois de la présidentielle de 2022 (après Macron) et le RN progresse de 50% chez les cadres et professions intermédiaires. Il n’est plus un simple parti d’ouvrier et de petits commerçants xénophobes. Il peut s’allier avec LR car son programme économique est plus proche de Sarkozy et Macron que de LFI, quoi qu’en disent les grands médias. Et inversement, la tête de liste LR aux Européennes François Belamy peut affirmer qu’il votera pour le parti de Jean-Marie Le Pen en cas de second tour l’opposant au Nouveau Front populaire soutenu par François Hollande.
Inversement, Emmanuel Macron se rapproche de l’extrême droite. Il souhaitait réhabiliter l’antisémite Pétain, prenait conseil auprès de Zemmour après avoir pris sa défense publiquement, Brigitte Macron claquait la bise à Marine Le Pen lors de son accueil chaleureux à l’Élysée, il reprend à son compte les termes d’ensauvagement et de décivilisation utilisés par l’extrême droite et promeut une loi immigration copiée sur le programme du RN. Lorsque sa Première ministre avait osé rappeler que le RN était l’héritier de Vichy, Macron l’avait “recadrée”. Il ne perçoit pas ce parti comme un problème, mais comme une solution.
On pourrait reprendre d’innombrables citations d’éditorialistes, conseillers politiques et “intellectuels” qui estiment très tranquillement que l’accès au pouvoir d’un parti fondé par des Waffen SS et rempli d’authentiques néonazis et de miliciens s’enthousiasmant à l’idée de “casser du pédé” après le 7 juillet serait une bonne chose pour la démocratie française. Ou qui annoncent sans ciller préférer voter pour Marine Le Pen que le “Nouveau Front Populaire”. Pour eux, l’évincement de la gauche de gauche, principale force défendant les intérêts des classes moyennes et populaires contre ceux des multinationales, prime sur la lutte contre le racisme, la xénophobie et le fascisme. Mais comme ils ne peuvent pas assumer cette position, ils tentent de repeindre LFI en partie homophobe et antisémite.
Et pour l’écologie ? Ce sera pesticides, mega-bassines et autoroutes inutiles, ne vous en déplaise. Entre le consensus du patronat et celui des scientifiques, la droite macroniste, la bourgeoisie parisienne et les extrêmes droites ont fait leur choix.
C’est dans ce contexte global qu’Emmanuel Macron a pris de court jusqu’à son Premier ministre en annonçant la dissolution de l’Assemblée.
2) Pourquoi Macron a dissous dans la précipitation, lorsque le RN est au plus haut et son camp au plus bas ?
Première hypothèse : le président est un grand démocrate. Il ne pouvait plus gouverner le pays avec un socle électoral représentant 7 % des inscrits. Il accède aux demandes du RN en dissolvant l’Assemblée afin de redonner la voix au peuple.
Cette hypothèse ne tient pas la route. Emmanuel Macron a connu de nombreuses crises de légitimité : les gilets jaunes, la réforme des retraites, la douzaine de 49-3 dégainée pour imposer les coupes budgétaires dans la Sécurité sociale sans l’aval du Parlement… À aucun moment il n'a caressé sérieusement l’idée de remettre sa majorité relative en jeu ni n’a apporté de réponses politiques à ses précédentes défaites électorales (Européennes de 2019, régionales de 2021, législatives de 2022).
Si son souci était le respect de la démocratie, Emmanuel Macron aurait démissionné. Ou annoncé de nouvelles élections après l’été et les Jeux olympiques. Au minium, au terme des 40 jours autorisés par la constitution. Non, il a choisi le délai le plus court possible (20 jours). Cette précipitation n’a rien de démocratique : elle empêche les citoyens de s’organiser pour les procurations ou pour s’inscrire dans un nouveau bureau de vote. Elle empêche les partis de mettre au point un programme, de faire campagne dignement ou même de s’organiser pour répartir les investitures sereinement ou de vérifier scrupuleusement le passé des candidats qu’ils investissent.
Au lieu de dissoudre, Emmanuel Macron aurait pu proposer un pacte de gouvernement aux LR. Cela aurait été d’autant plus logique qu’ils défendent les mêmes idées. On peut donc exclure la piste du souci de la démocratie.
Seconde hypothèse : Emmanuel Macron pense pouvoir gagner les législatives grâce à ce coup de poker. Il pariait sur la division de la gauche pour l’écraser au premier tour et sur le barrage républicain des électeurs de gauche pour battre le RN au second. C’est pour cela que les législatives sont précipitées : Macron espérait que cela empêcherait la gauche de s’unir, nous apprend Le Monde.
En jouant la stratégie du chaos, il voulait se remettre dans le jeu, lui qui ne supporte aucune concurrence dans son camp ni aucun partage du pouvoir. Tous les prétendants à sa succession (Gabriel Attal, Bruno Lemaire, Édouard Philippe, Gérald Darmanin, Yael Braun-Pivet) sont éclipsés. Si Macron réussit son pari, il s’affirme comme le maitre des horloges et le faiseur de rois à droite. S’il échoue, la cohabitation avec le RN serait pour lui l’occasion d’incarner un rempart contre l’extrême droite et ainsi de se refaire une santé politique, toujours selon Le Monde qui cite des proches du président. Pile je gagne, face vous perdez.
“Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent…” Emmanuel Macron à Ouradour-sur-Glane, propos rapportés par Le Monde.
Cette stratégie aurait été décidée en secret, avec un cercle restreint de quatre conseillers (dont l’ancien journaliste sportif Bruno Roger Petit, Macron ne s’entourant que de courtisans aux compétences et sens de l’État limités). Ce dernier a averti Pascal Praud, le présentateur CNEWS et pièce centrale de l’empire Bolloré, avant que Macron n’informe le Premier ministre.
Le Monde nous apprend également que l’Élysée avait commandé des sondages privés dont le résultat montrait qu’une dissolution offrirait entre 260 et 300 sièges au RN, soit une majorité relative ou absolue (289 sièges nécessaires). Ce risque n’a pas arrêté le président. Et Macron ne s’est même pas donné la peine de prendre contact avec ses députés pour les motiver. D’où :
Troisième hypothèse : Emmanuel Macron souhaite la victoire du RN. Selon ce raisonnement, installer l’extrême droite au pouvoir maintenant permettrait de la laisser se ridiculiser et de mieux la battre en 2027, tout en évinçant la gauche du jeu politique. C’est pourquoi la Macronie a proposé de ne pas aligner de candidat aux législatives faces aux sortants issus de la gauche hors LFI : l’idée était d’empêcher toute union de la gauche et de faire un grand parti de droite et du centre qui inclurait l’aile droite du PS (Glucksmann, Hollande) pour faire face au RN. Cette option reste d’actualité en cas d’absence de majorité. Pour le journaliste du Monde Abel Mestre, Macron pourrait lancer un ultimatum au PS : « soit vous soutenez un gouvernement d’union nationale avec les LR et mes députés, soit je nomme Bardella à Matignon ». Dans tous les cas, les grandes orientations de la politique sociale et économique ne feraient plus l’objet du moindre débat et les intérêts de la grande bourgeoisie seraient préservés, quel que soit le parti au pouvoir (le RN ou la grande alliance de centre droit).
Installer le RN à Matignon pour mieux le battre en 2027 ? Le premier souci de cette stratégie est qu’elle suppose que le RN sera affaibli par l’exercice du pouvoir. C’est vite oublier les leçons de l’Histoire: lorsqu’elle obtient les commandes, l’extrême droite ne les rend pas facilement. La priorité du RN est la privatisation de l’audiovisuel public, qui sera ensuite racheté par Vincent Bolloré, propriétaire de CNEWS dont tous les médias (Europe 1, le JDD, Paris Match, C8…) sont entrés en campagne éclair pour le RN, au mépris total des règles de pluralisme.
Aux USA, Trump a perdu de justesse, à cause du Covid. En Italie, Meloni a succédé à un gouvernement de coalition qui incluait déjà l’extrême droite et vient d’obtenir un très bon résultat aux Européennes. La Hongrie est toujours dirigée par Victor Orban, l’Inde par Modi et la Pologne a connu trois gouvernements successifs d’extrême droite. Surtout, le pouvoir est bien plus concentré et centralisé en France que dans les autres démocraties. Un gouvernement d’extrême droite en France sera beaucoup plus dévastateur qu’ailleurs.
D’autant plus que le pays semble mûr pour embrasser le fascisme. La Macronie fait campagne contre la gauche plutôt que contre le RN, un grand nombre de ses cadres et ministre refusent déjà publiquement de voter pour un candidat de gauche en cas de second tour face au RN. Emmaneul Macron lui même, lors d’un déplacement, à aligné en une réponse des propos transphobes et une accusation digne de Zemmour : le programme du Front Populaire est “totalement immigrationiste”. Encore un terme emprunté à l’extrême droite.
Le Figaro fait la promotion de Marine Le Pen et d’une alliance avec le RN. De plus en plus d’“intellectuels” affirment voter pour le RN. De nombreux hauts fonctionnaires et diplomates contactent Jordan Bardella pour venir garnir ses cabinets ministériels, selon Le Figaro. La magistrature est tout autant gangrénée par l’extrême droite, sans même parler de la Police, qui protège déjà les milices néonazies qui mènent des ratonnades dans les rues des grandes villes de France.
Le second souci de cette stratégie en deux temps, c’est qu’Emmanuel Macron n’a pas le droit de se représenter en 2027. Il pourra le faire au mieux en 2032. Alors, pourquoi entacher son bilan en installant le RN au pouvoir ? Par pure solidarité avec la grande bourgeoisie, soucis d’aider son successeur ? À moins que…
Dernière hypothèse : Emmanuel Macron espère un troisième mandat. Hypothèse plus farfelue, mais énoncée par des journalistes bien informés, citant des conseillers présidentiels qui évoquent cette option depuis 2023 ! C’est également l’hypothèse avancée par l’historien Marc Lazar sur la chaine Public Sénat. En clair, la cohabitation avec le RN ou un parlement sans majorité absolue pour former un gouvernement pousserait Emmanuel Maron à démissionner. Une nouvelle élection présidentielle sera convoquée. N’ayant pas été au terme de son second mandat, il pourrait se présenter à sa propre succession et ainsi rempiler pour cinq ans.
Quelle que soit l’hypothèse que vous privilégiez (elles ne sont pas incompatibles), cette décision plonge le pays dans le chaos. Les marchés financiers paniquent, le taux d’intérêt de la dette française explose, la bourse décroche et la note de la dette publique vient d’être dégradée une seconde fois en un an… Ce qui n’empêche pas le ministre de l’Économie Bruno Lemaire de donner des leçons de bonne gestion au Nouveau Front Populaire.
Un changement de gouvernement, juste avant les Jeux olympiques, fait également courir un risque énorme pour l’image de la France à l’Internationnal (imaginez Jordan Bardella présider la cérémonie d’ouverture d’un évènement censé promulguer la coopération entre les peuples et devant servir de vitrine pour le pays ?). Sans parler du risque terroriste. Les services de renseignements sont déjà débordés par la crainte d’une action pilotée par la Russie, changer de gouvernement à quelques jours des Jeux relève de l’irresponsabilité. Surtout quand on connaît les liens étroits entretenus par le RN avec Moscou.
Ce coup de poker inconsidéré et irresponsable, qui semble plus résulter de la psychologie d’un égocentrique confronté à la défaite qu’à la conduite d’un Homme d’État, sera-t-il payant ? La gauche espère que non.
3) Pourquoi la gauche a réussi à s’unir
L’ensemble du bloc de gauche (32 %) a fait jeu égal avec le Rassemblement national aux Européennes, bien qu’en ajoutant le score d’Éric Zemmour, l’extrême droite (37%) pèse davantage.
Compte tenu du mode de scrutin des législatives (deux tours, 577 scrutins dans autant de circonscriptions), une gauche divisée aurait été balayée. Dans de nombreux cas, les candidats de gauche seraient arrivés en 3e et 4e position derrière les candidats d’Emmanuel Macron et du Rassemblement national, sans se qualifier pour le second tour.
Face au péril fasciste, et alors que des milliers de manifestants défilaient à Paris pour leur mettre la pression, les chefs de partis se sont rapidement accordés sur la nécessité d’aller ensemble à la bataille. Il y allait autant de leur responsabilité face à l’Histoire que de leurs intérêts d’appareils. En particulier pour le PCF et EELV, menacés de disparition à l’Assemblée. Le PS voyait dans cette nouvelle alliance une occasion en or de transformer l’essai des Européennes en reprenant du poids dans l’alliance, alors que LFI pouvait difficilement prendre le risque d’être marginalisée après sa bonne campagne européenne. François Ruffin a rapidement imposé le nom de cette alliance : le Nouveau Front Populaire, tout en tentant d’en obtenir la direction.
L’union se justifie également par la complémentarité territoriale des différents partis de gauche. LFI réalise de très gros scores dans les quartiers populaires et banlieues défavorisées, devance le RN auprès de la jeunesse (avec 32 % des voix, contre 27 pour le RN et 5 % pour Glucksmann). C’est une formidable machine à mobiliser les abstentionnistes, la jeunesse et les électeurs peu politisés. À l’inverse, le PS peut l’emporter dans les régions rurales comptant parmi ses bastions historiques et grappiller des voix chez les cadres et retraités votant Emmanuel Macron, comme EELV dans les centres-ville et banlieues pavillonnaires.
L’alliance n’allait pourtant pas de soi. Pour des questions de lignes politiques et de logiques d’appareils avant tout. Comprendre comment l’union s’est constituée permet d’anticiper ce qu’on peut en attendre en termes de chances de victoire et de capacité à gouverner.
4) Comment la gauche a réussi à s’unir
Comme je l’ai souligné dans de nombreux articles, il n’existe pas une “gauche”, mais deux gauches en France. Une gauche libérale sur les questions économiques et timide (voire réactionnaire) sur les questions sociétales, incarnée par le PS et une partie d’EELV. Et une gauche de rupture en matière économique et refusant tout compromis avec la droite sur les questions sociétales (anti-racisme, libertés publiques…) incarnée par LFI. Si cette caractérisation vous surprend, regardez cette vidéo de Médiapart ou lisez mon article sur les Européennes.
Comment s’équilibrent ces forces ? Muni de son score aux présidentielles de 2022 (22 %, face au 1.7 % du PS et 4.5 % de EELV), Mélenchon avait réalisé l’union de la gauche pour les législatives suivantes à travers la NUPES, sur un programme de rupture (bifurcation écologique, hausses des salaires…) très proche de celui qu’il avait présenté à la présidentielle. Il en avait résulté un paysage en trois blocs (gauche de rupture, droite et extrême droite), conformément à l’analyse théorique du “bloc bourgeois” proposée par les chercheurs Bruno Amable et Stefano Palombarini dès 2017.
Depuis la constitution de cette union, le pouvoir a tenté de diviser la gauche pour faire imploser la NUPES, union qui empêchait d’imposer un choix binaire aux Français (droite ou extrême droite). Emmanuel Macron et le RN s’étaient efforcés, avec le soutien de la classe médiatique, de rejeter LFI “hors du champ républicain” en la rhabillant en parti antisémite pro-Hamas sur la base de sa dénonciation du génocide à Gaza. Ces accusations sont infondées, comme le détaille un texte signé par un collectif d’intellectuels juifs, d’historiens et de militants engagés contre l’antisémitisme. Mais cet effort ne date pas d’hier : lors de sa présentation de la réforme des retraites, la Première ministre Elizabeth Borne avait déjà rejeté LFI hors du champ républicain avec comme principal argument le fait que ce parti d’opposition s’opposait à sa politique (sic).
Pour les élections européennes, le PCF et EELV avaient refusé la proposition LFI de présenter une liste unique NUPES, bien que le parti de Mélenchon ait offert la tête de liste et l’essentiel des sièges à EELV. Actant la division, l’aile droite du PS a imposé la candidature de Raphaël Glucksmann, conçue pour renverser le rapport de force à gauche et permettre une candidature commune derrière le PS sans LFI aux présidentielles. Glucksmann l’a lui-même explicité dans sa campagne et son discours de “victoire” aux Européennes.
Les différentes invectives et oppositions de façade mises en avant pendant la campagne des Européennes ont aggravé le fossé séparant les différentes composantes de la gauche, les uns accusant les autres d’ambiguïtés au sujet de leurs propres thèmes de prédilection. C’est la base d’une campagne électorale : il faut se différencier et créer de l’espace entre les candidats pour permettre aux électeurs de faire leur choix.
Soutenu par François Hollande, le projet de Raphaël Glucksmann, dans lequel se retrouvait la première secrétaire d’EELV Marine Tondelier, consistait à acter une rupture définitive entre le centre gauche et LFI. Il suffit d’écouter son discours de « victoire » pour s’en convaincre. Du reste, cette analyse a également été confirmée par une enquête de l’Express sur les coulisses de la formation du Nouveau Front populaire.
Pour parvenir à marginaliser la gauche de rupture LFI, le PS pouvait potentiellement espérer prendre appui sur les frondeurs (François Ruffin, Clémentine Autain, etc) qui comptaient eux aussi profiter de l’échec attendu des insoumis aux Européennes pour contester l’orientation stratégique et la direction de LFI.
Deux choses sont venues percuter ces beaux projets :
LFI a fait un “bon” score aux Européennes (10%), faisant progresser le total de gauche par rapport à 2019 (+3,5 %, alors que le total EELV+PS ne bouge pas).
Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée.
Le triomphe de Raphaël Glucksmann a duré trente minutes. Il fallait l’écouter sur France Inter le vendredi 14 juin pour sentir sa déception. Car compte tenu du score de LFI et de son succès à la présidentielle, une union de la gauche sans cette dernière n’était plus envisageable. D’autant plus que les législatives ne sont pas les Européennes. Il s’agit d’élire le gouvernement. L’abstention sera probablement moins forte et la jeunesse plus mobilisable. Or, auprès des jeunes et des bas revenus, Glucksmann a obtenu des scores désastreux.
Pour autant, et malgré le risque fasciste, Raphaël Glucksmann a d’abord tenté de faire échouer l’union. Déclarant qu’un accord aux conditions de LFI était impossible, puis énonçant au 20h de France 2 des conditions inenvisageables pour cette dernière, allant jusqu’à proposer Laurent Berger (favorable à la réforme des retraites portée par Emmanuel Macron en 2019) comme Premier ministre. Son organisation (Place publique) a relayé de faux communiqués pour faire pression. Rien n’y a fait. Pendant que Glucksmann se ridiculisait dans les médias, le PS négociait âprement l’accord avec LFI. Celui-ci portait sur trois choses : la répartition des circonscriptions, le programme et la répartition des circonscriptions gagnables.
EELV et le PCF se sont rangés du côté de LFI dans les négociations, selon mes informations et l’Express. D’abord parce qu’ils avaient le plus à perdre en cas d’échec d’un accord. Ensuite pour des raisons idéologiques. Le PCF reste plus proche de LFI sur les questions économiques (sans oublier qu’il s’agit d’une organisation politique très proche de la CGT). Et EELV a des divergences majeures avec l’aile droite du PS, en particulier sur le projet décrié d’autoroute A69 soutenu par Carole Delga, présidente de la région Occitanie et proche de Glucksmann.
Mais le PS pouvait faire valoir la promesse de la Macronie de ne pas présenter de candidats contre eux en cas d’échec de l’Union de la gauche pour tirer un maximum la couverture à lui.
LFI a très vite fait de grosses concessions : dès le premier soir, il renonçait au programme de la NUPES, condition longtemps érigée comme indépassable. Puis les Insoumis ont lâché 100 circonscriptions (l’accord leur en attribuant 229, contre 330 en 2022). Jean-Luc Mélenchon a ensuite renoncé à se porter officiellement candidat au poste de Premier ministre avant de décliner l’invitation au grand débat télévisuel qui devait l’opposer au Premier ministre Gabriel Attal et à Jordan Bardella.
En retour, les Insoumis ont largement obtenu gain de cause sur le programme, qui valide le fait de désobéir aux traités européens pour appliquer les mesures écologiques et sociales, promet l’indexation des salaires sur l’inflation (comme cela se fait en Belgique), le blocage des prix des biens de première nécessité, la planification écologique, etc.
Carole Delga, héritière de Manuel Valls au PS, a été la première ténor de l’aile droite socialiste à soutenir l’accord qui continuait d’être négocié. Puis François Hollande et Raphaël Glucksmann se sont rangés à l’évidence en rentrant dans le rang. Un des facteurs qui a joué dans leur décision est l’intérêt de nombreux barons du PS à sauver leur place. Comme le rapporte Médiapart, « Les socialistes ont tendu les relations en permanence. LFI a beaucoup cotisé, les écolos aussi, et malgré cela, le PS est aigri parce qu’il a beaucoup de cadres à satisfaire », rapporte une source non insoumise qui faisait partie des négociations. En termes de circonscriptions gagnables, LFI reste la mieux servie. La conséquence du fait qu’elle dispose de bien plus de sortants (75) que le PS (30), EEL (20) et le PCF (10).
L’accord n’est pas parfait, mais l’essentiel du programme de la NUPES est préservé. Difficile d’espérer mieux lorsque la gauche doit s’unir en 4 jours et qu’elle est traversée par de telles divergences politiques. Du reste, le Front populaire n’est pas un simple accord électoral ou une alliance de partis : d’innombrables syndicats, associations et ONG le soutiennent. C’est le cas de Tsadek! (organisation juive de lutte contre l’antisémitisme et critique d’Israël), de la Ligue de Défense des droits de l’Homme, Attac, la CGT, etc. Il faudra au moins cela pour empêcher les partis de se saborder mutuellement et les médias de ne parler que des tensions internes sans jamais évoquer le contenu du programme, dont les Français plébiscitent pourtant l’essentiel des mesures (économiques, sociales, écologiques…).
5) Le Nouveau Front populaire peut-il gagner (méfiez-vous des sondages !)
Pour Mathieu Gallard, directeur de recherche à l’IPSOS, la gauche a des chances d’arriver en tête, mais la majorité absolue semble improbable.
À ce stade, les sondages ne présument en rien du résultat. Au mieux, ils indiquent ce qui appartient au champ des possibles et ce qui reste du domaine de l’imaginaire. Ils sont souvent commandés par la presse de droite, avec un but politique parfois évident. Il est difficile, à l’heure actuelle, de prévoir des variables aussi déterminantes que la participation, les reports de voix entre premier et second tours, les consignes de vote, l’influence de la société civile, des médias et des “influenceurs” dans la mobilisation des 18-35 ans, ni les thèmes et polémiques qui vont s’imposer dans cette campagne éclair. Qui aurait pu prévoir la candidature surprise de Hollande lorsque les premiers sondages sont tombés ou l’horrible fait divers antisémite ? Quel sera l’impact des accords de coin de table mis en place par la droite ou des discrètes alliances LR-Renaissance et LR-RN ?
La gauche peut espérer mobiliser sur la peur du RN et l’espoir suscité par son programme ambitieux. L’imagerie qui entoure le Front populaire est également un moteur potentiel. Elle inquiète certainement la classe politico-médiatique dominante, comme en témoignent les réactions hystériques en plateaux (à l’annonce de l’union de la gauche, la journaliste vedette de LCI Ruth Elkrief avait déclaré qu’il s’agissait d’une “mauvaise nouvelle”).
Davantage que le RN, la gauche dispose d’une réserve de voix comparée aux élections européennes, où la jeunesse et les bas revenus se sont largement abstenus. La hausse de la participation annoncée (dix points, selon les derniers sondages) devrait l’avantager. Et il ne faut pas sous-estimer la capacité du récit médiatique (la répétition des points clés du programme comme la hausse des salaires et l’abrogation de la réforme des retraites) pour mobiliser l’électorat. Le monde associatif va également pouvoir se mobiliser pleinement sans avoir peur de se mouiller pour un parti de gauche plus qu’un autre, avec le risque RN comme justification.
Enfin, lorsqu’on observe les 289 circonscriptions où la gauche est la plus forte, on se rend compte que son principal adversaire est le camp présidentiel. En cas de duel face à ce dernier, de nombreux scrutins semblent jouables.
Et le fait que LFI a investi une pléthore de personnalités issues de la société civile et des quartiers populaires peut ramener de nombreux abstentionnistes vers les bureaux de vote.
Le Front populaire a donc de sérieux arguments à faire valoir. Mais il fait également face à des obstacles majeurs.
D’abord, la décision du PS et de EELV de partir seuls aux Européennes a affaibli considérablement l’attelage, qui risque d’apparaitre comme une alliance de circonstance pour certains électeurs. La diabolisation de LFI, encouragée par les autres partis de gauche pendant cette campagne, risque également de leur retomber dessus en dissuadant les électeurs de Glucksmann d’aller voter, y compris pour des candidats PS.
Ensuite, la gauche souffre de sa faiblesse en zone rurale. Elle fait des scores très élevés dans les centres urbains (LFI avait remporté dès le premier tour la plupart des circonscriptions de la Seine Saint-Denis), mais très faibles dans les campagnes. Elle pourrait donc arriver en tête en nombre de voix tout en étant absente de nombreux seconds tours, contrairement au RN. Rappelons que l’élection se joue dans 577 circonscriptions, et qu’il faut donc être fort partout (ou presque) pour l’emporter.
Enfin, la gauche risque d’être victime du vote barrage des électeurs LR et Macronistes, qui s’abstiendront ou voteront RN en cas de duel entre la gauche et l’extrême droite. Gérald Darmanin a déjà dit qu’il ne voterait ni pour l’un ni pour l’autre. Sarkozy a estimé que LFI était plus dangereuse que le RN. Et Emmanuel Macron a mis un signe égal entre les deux partis (pour citer quelques exemples).
Le système médiatique semble également pris de panique face à l’arrivée du Nouveau Front populaire. Et recycle ainsi la communication du gouvernement et les arguments du RN (antisémitisme de LFI, programme économique irresponsable). Et je parle ici des journalistes du service public, qui ne semblent pas effrayés à l’idée d’être rachetés par Bolloré. Sur les chaines détenues par ce dernier, on organise ouvertement l’alliance RN-LR-Reconquête et tire à boulets rouges sur le Nouveau Front populaire, sans égard pour les règles de pluralisme imposées par l’Arcom. Quant à BFMTV, chaine détenue par le milliardaire Rodolphe Saadé, son directeur Marc Olivier Fogiel vient de demander à ses équipes d’inclure “plus d’éditorialsites de droite et de droite ++ pour mieux représenter les francais” (sic).
En 1936, la classe dirigeante avait clairement choisi “Plutôt Hitler que le Front populaire”. Les Français avaient élu ce dernier malgré tout, obtenant les congés payés, la semaine de 40 heures et des hausses de salaire considérables. Cette fois-ci, choisiront-ils les héritiers du nazisme ?
BONUS : Candidature de Hollande, scission à LFI : le NFP risque-t-il d’imploser en vol ?
Le récit d’un nouveau front populaire conquérant venait tout juste de se mettre en place, les leaders de la gauche semblant mettre de côté les querelles pour se hisser à la hauteur de l’Histoire et présenter un programme ambitieux lorsque… les investitures ont commencé à tomber.
LFI a rendu ses partenaires fous de rage en investissant son ancien responsable Adrien Quatennens (condamné à une amende pour avoir giflé sa femme) dans sa circonscription du Nord, tout en supprimant l’investiture de cinq députés dissidents, dont les médiatiques Alexis Corbières et Raquel Garrido. Francois Ruffin a produit des tweets extrêmement durs, actant sa rupture avec LFI. Clémentine Autain a ironisé sur le fait qu’on pouvait gifler sa femme, mais pas discuter les ordres de Mélenchon. Adrien Quatennes a fini par renoncer à sa candidature (sa circonscription est acquise à la gauche). Cette tentative d’apaisement n’a fait que renforcer les ardeurs des “frondeurs” LFI, qui ont décidé de maintenir leurs candidatures avec le soutien de Ruffin, du PS et d’EELV. Une violation de l’accord manifeste, alors que Mélenchon a évité de critiquer la candidature surprise de François Hollande. Tout cela a culminé par un meeting de campagne lunaire à Montreuil, où les deux lignes (Ruffin/Mélenchon) se sont ouvertement affrontées lors des prises de paroles successives.
Cette séquence désastreuse a effacé le récit médiatique positif qui se mettait en place avec la publication du programme du Nouveau Front populaire. À la place, les médias se sont délectés des invectives en imposant le récit des candidats non réinvestis : Mélenchon, vexé de perdre la main, se serait vengé en petit dirigeant autoritaire via cette “purge” de ses principaux dissidents. Ruffin et Clémentine Autain auraient été épargnés à cause de leur poids politique, les autres sont sacrifiés pour l’exemple.
La faute de Mélenchon semble inexcusable et irresponsable, si on souscrit à cette lecture simpliste. Une analyse plus poussée s’impose.
D’abord, elle efface la vraie question qui se pose à l’issue de la publication des investitures. Emmanuel Macron a choisi de ne présenter aucun candidat contre François Hollande et son ancien ministre de la santé investi par le PS, ni contre Jerôme Guedj, ce député PS/NUPES sortant qui se représente sans l’étiquette Front populaire et refuse de voter LFI en cas de duel contre le RN. Le PS et EELV le soutiennent malgré tout. Ce qui pose la question de la pérennité du Nouveau Front populaire et de la sincérité du PS : sera-t-il capable de mettre en place le programme ? Ou bien s’agit-il pour eux d’une opportunité pour travailler à la marginalisation de LFI et saboter l’union de l’intérieur, malgré le spectre du RN ? Que peut-on espérer d’une alliance qui va de Philippe Poutou à François Hollande ?
La capacité du NFP à appliquer son programme et tenir en échec le RN dépendra essentiellement du rapport de force interne (LFI aura-t-elle une majorité de députés, ou bien sera-t-elle en minorité face aux autres partis) et de l’implication de la société civile, qui devra se mobiliser pour forcer les élus à respecter leurs engagements.
La question n’est pas anecdotique. Un gouvernement du Front populaire dirigé par François Hollande, c’est la garantie d’une victoire de Marine Le Pen en 2027. Décevoir n’est pas une option. Les politiques en sont conscient, ce qui devrait logiquement minimiser le risque de trahison.
Ensuite, la lecture imposée par les “purgés” et leurs soutiens masque l’autre grand enseignement issu des investitures. Je vais citer Médiapart :
Les partis de gauche avaient promis d’ouvrir leurs investitures à la société civile organisée. Seule La France insoumise promeut une part de profils inhabituels en politique, notamment issus des quartiers populaires. (…) après avoir fait entrer à l’Assemblée nationale une aide-soignante en 2017 (Caroline Fiat), une femme de chambre et syndicaliste (Rachel Keke), une ouvrière agricole (Mathilde Hignet) ainsi que des figures du mouvement climat (Alma Dufour) et d’Attac (Aurélie Trouvé) en 2022, le mouvement était attendu au tournant. (…) Il investit Aly Diouara, du collectif « Seine-Saint-Denis au cœur », la médecin urgentiste Sabrina Ali Benali, et Céline Verzeletti, ex-membre du bureau confédéral de la CGT, ainsi qu’Amal Bentounsi, fondatrice du collectif « Urgence notre police assassine », dans la 6e circonscription de Seine-et-Marne, Abdelkader Lahmar, membre de l’Assemblée nationale des quartiers populaires dans la 7e circonscription du Rhône, Amadou Ka, conseiller municipal de Creil et militant antiraciste dans la 3e circonscription de l’Oise, ou encore Lyes Louffok, militant de la défense des droits de l’enfant, et Adel Amara, militant associatif, respectivement dans la 1e et la 4e circonscription du Val-de-Marne.
La plupart de ces profils ont été investis dans des circonscriptions acquises à la gauche, parfois au détriment d’élus non reconduits. Une manière de garantir une meilleure représentation de la diversité du pays au sein du Parlement.
Oui, mais dans le contexte actuel, cette “purge” n’était-elle pas évitable ? Le timing n’est-il pas désastreux, voire irresponsable ?
Certainement. Comme les réactions très dures de Ruffin et Autain, tout comme la décision des déçus de maintenir leurs candidatures, comme le choix d’EELV et du PS de soutenir ces dissidents en violation de l’accord tout juste signé (alors qu’ils soutiennent leurs propres dissidents qui se présentent contre des candidats LFI). Tout cela contribue à alimenter la division et la couverture médiatique négative, alors que Mélenchon et ses proches se sont bien gardés de commenter négativement la candidature bien plus toxique de François Hollande et l’investiture incompréhensible d’un ancien ministre de Macron.
Si on considère que les frondeurs non reconduits avaient pour projet de faire imploser le mouvement (à en croire les affirmations1 de l’Express et de la Dépêche, qui vont dans le sens de certaines déclarations publiques et semblent être partiellement confirmées par les échos que m’ont rapportés plusieurs sources insoumises), la décision de les exclure semble logique. Elle intervient au pire moment, mais il n’y avait pas d’autre moment pour le faire compte tenu des délais imposés par la dissolution éclair de Macron.
LFI a également investi le leader du NPA Philippe Poutou, peu connu pour sa docilité. Dire que Mélenchon ne conserve que les fidèles semble inexact. De son point de vue, la dissidence interne menaçait effectivement la pérennité d’une offre politique “de rupture”, qu’il a construite depuis 2012, augmentant son score de 10 à 22 % au fil des présidentielles.
Il ne s’agit donc pas simplement de règlement de compte ou de politique politicienne, mais bien de rapport de force dont dépend l’avenir de la gauche. Se dirige-t-on vers un retour aux années Hollande, qui garantirait une victoire de Marine Le Pen en 2027 ? Ou bien la gauche continuera d’incarner une alternative crédible et ancrée dans les classes populaires aux différentes nuances du libéralisme ?
Ces questions semblent bien éloignées de la priorité du moment : battre l’extrême droite. Il ne tient qu’à nous de les laisser de côté pour nous concentrer sur l’essentiel.
L’Express : François Ruffin : comment il compte avoir la peau de Jean-Luc Mélenchon – L'Express (lexpress.fr) ; Olivier Legrain, le millionnaire dans l’ombre de François Ruffin et de la gauche – L'Express (lexpress.fr) ; DÉCRYPTAGE. Front populaire aux législatives : les dessous du piège tendu à LFI - ladepeche.fr;
une analyse qui donne quelques espoirs . . .
https://legrandcontinent.eu/fr/2024/06/18/la-mobilisation-de-lelectorat-de-la-gauche-et-du-centre-peut-fortement-affaiblir-le-rn/
"Les services de renseignements sont déjà débordés par la crainte d’une action pilotée par la Russie"
Si c'est le baretoidela qui arrive, sûr que les popov nous foutrons la paix aux JO. On chie pas là où on mange